Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 24/07/2020
À l'origine, une situation banale ou presque, une parcelle libre dans un quartier résidentiel de Guimarães, au nord du Portugal. Ici et là, des maisons individuelles forment un « environnement dense » selon les architectes. Le terrain proposé n'est pas, non plus, exceptionnel. Il est, de surcroît, marqué par une pente ingrate. Alors Fuck the context ! Au regard d'une proposition qui « mutile » ouvertement la géographie, REM'A n'est pas si loin de l'adage - un tantinet vulgaire mais non moins efficace - de cet autre Rem, batave cette fois-ci, Rem Koolhaas.
Le duo portugais a donc usé de sa liberté pour imaginer des plans allant bien au-delà de la simple question du génie du lieu. Ils ont même eu l'intelligence d'un subtil jeu géométrique et d'un curieux trouble sémantique.
Retour sur la méthode. Les deux associés ont, tout d'abord, tracé un rectangle. In situ, ils l'ont creusé. Du vide devait naître la maison. En bas, salon, cuisine, salle à manger. En haut, en rez-de-jardin, chambres et salles de bains, le tout au sein d'un volume compact, légèrement décalé en plan. « Ces intentions sont nées de préoccupations liées à la nature du terrain et aux impératifs de vie privée de nos clients » , expliquent les architectes. En d'autres termes, ils déclinent les thèmes de la pente et de l'intimité.
« Divisée en deux étages, la Casa A s'articule autour de deux utilisations distinctes » , préviennent-ils. L'une serait « endogène » , l'autre « exogène » .
Selon un rythme binaire, Romeu Ribeiro et José Pedro Marques aiment, au-delà des mots, jouer des espaces extérieurs selon une stratégie de... détournement. Si les uns sont logiquement dehors... les autres sont étrangement dedans.
Au niveau bas, les deux situations prévalent. Côté piscine, la façade vitrée s'ouvre entièrement au point de disparaître. Les baies, une fois coulissées et cachées dans le mur, ne laissent plus aucune frontière venant distinguer l'intérieur de l'extérieur. À l'arrière de cet espace à vivre, les deux concepteurs profitent de la pente pour créer deux patios introvertis, l'occasion d'un dehors plus intime… donnant même l'impression d'un dedans. Idem à l'étage ; cachée derrière les murs « aveugles » d'un volume « pur » habillé de bois, le duo continue ce trouble en retranchant une spacieuse terrasse, certes sans vue, mais à ciel ouvert, éclairant ainsi les chambres tout en protégeant l'intimité nécessaire. C'est en somme, être à l'extérieur mais entre quatre murs, ou l'art de vivre... à découvert.
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