Il y a onze ans, quittant Paris et ses loyers trop élevés pour s'installer à Nantes, Marie-Hélène Reich et Antoine Mabire tombent sous le charme d'une maison des années 1930, située en fond de parcelle dans un quartier pavillonnaire en bordure de la ville. Ses 85 mètres carrés permettent tout juste d'accueillir les quatre membres de la famille, mais les futurs acquéreurs, également architectes, remarquent le potentiel de la propriété : le vaste jardin en ruban de 25 mètres de long pourrait accueillir sans problème une extension. Le couple multiplie les esquisses sans pourtant trop croire à leur concrétisation, faute de moyens financiers. En 2014, alors que l'unique salon et les deux chambres deviennent insuffisants pour les désormais cinq habitants, le budget est finalement rassemblé : les travaux peuvent enfin commencer ! Le programme est découpé en deux : un rafraîchissement des deux étages de l'existant pour accueillir les pièces privées, et un nouveau volume à la forme atypique qui abritera les espaces de vie commune.
FENÊTRES SUR PAYSAGES
S'étendre implique inévitablement de grignoter du terrain, mais le couple ne veut pas totalement s'y résoudre. Il dessine alors un volume en L incurvé et largement vitré, qui gagne un étage dès qu'il s'éloigne de la maison d'origine. Tout en répondant aux contraintes du Plan local d'urbanisme (PLU) -qui interdit d'ériger un bâtiment de plus d'un niveau à proximité de l'existant -cette solution ménage l'apparition d'un patio entre les deux constructions et offre un point de vue à toutes les pièces. Une imposante baie cadre l'atrium contemporain, agrémenté d'arbres fruitiers et de fleurs de saison, mais également l'ancienne bâtisse en arrière fond, ainsi mise en valeur. Les ouvertures à l'étage dégagent, elles, la vue sur l'érable situé à l'ouest, tout en laissant pénétrer les rayons du soleil. La façade de l'entrée au sud étant enfin généreusement percée, tout le volume semble plongé dans la verdure environnante. Les matériaux utilisés, employés bruts sans aucune peinture ou portant encore les traces du chantier, renforcent ce sentiment d'omniprésence du naturel : la charpente a par exemple été exposée à la pluie avant la fin des travaux de couverture, provoquant son oxydation et l'émergence de belles teintes rouillées laissées apparentes. Un spectacle presque onirique, « au même titre que les nuages dessinent des paysages inattendus », soulignent avec malice les propriétaires.
HYBRIDE
L'ossature métallique privilégiée pour l'extension présente un double avantage : sa légèreté permet à la construction de reposer directement sur les murets délimitant la parcelle -par chance situés sur la propriété -mais aussi d'être simplement accolée à l'ancienne porte d'entrée en minimisant son impact sur l'existant. Depuis le nouveau seuil jusqu'au petit salon de l'existant, une grande perspective, traversant la salle à manger, la cuisine et la salle de jeux, crée un effet de continuité comme si les deux habitations avaient toujours coexisté.
Pourtant, la rupture stylistique est évidente : « dans l'écriture, nous aimions l'idée d'avoir deux résidences d'époques distinctes ; nous ne voulions pas que la rénovation gomme leur diversité », soulignent les architectes avec enthousiasme.
L'extension, revêtue d'un bardage en aluminium, affirme ainsi sa contemporanéité grâce à un plan libre et des courbes atypiques induites par les rampes du toit-terrasse, alors que la maison des années 1930, aux caractéristiques plus traditionnelles et aux petites pièces, conserve son apparence extérieure d'origine.
PROMENADE SUR LE TOIT
Afin de se réapproprier l'espace extérieur -dont ils profitaient finalement peu lorsqu'il n'était qu'un simple jardin en bandeau -, Marie-Hélène et Antoine optent pour un toit-terrasse accessible depuis la baie vitrée de l'atelier à l'étage. Ils écartent l'alternative de la végétalisation, souvent exploitée dans certaines réalisations antérieures, et privilégient un revêtement en mélèze fixé sur toute la surface. Des différences de hauteur, à la fois causes et conséquences des divers niveaux de l'extension, créent un parcours de plateformes sur trois étages, reliées par des rampes. Cette topographie révèle plusieurs panoramas sur le quartier, situé sur l'une des lignes de crête du massif armoricain. Si l'on pourrait craindre le caractère contraignant de cet aménagement, les architectes, eux, le revendiquent : « lorsque l'on fait quelque chose de singulier dans une habitation, l'effet s'épuise avec le temps. Ici, il y a un effort à fournir, le belvédère ne relève pas du quotidien et quand il pleut, on ne peut pas l'atteindre », concluent-ils, fiers de cette réalisation où espaces intérieurs et extérieurs se sculptent mutuellement.
► Article paru dans le Hors-série 44 d'Architectures À Vivre : Best Of Maisons d'architectes actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Marie-Hélène Reich et Antoine Mabire
www.mabire-reich.com
♦ localisation Nantes (44)
♦ bâti d'origine années 1930
♦ livraison 2014
♦ études 4 ans
♦ travaux 14 mois
♦ surfaces 85 m² SHAB (maison existante) et 100 m² SHAB (extension)
♦ coût travaux 105 000 euros HT (rénovation) + 187 000 euros HT (extension)
♦ matériaux acier brut (ossature, garde-corps intérieurs, structure escalier) / acier laqué (verrière) / acier galvanisé (garde-corps extérieurs) / aluminium (bardage) / chêne (menuiseries, parquet, terrasse rez-de-chaussée) / épicéa (plancher) / pin (panneaux revêtement intérieur, meubles cuisine) / mélèze (terrasse toiture, marches escalier) / carreaux de ciment (sol) / brique de verre (bandeau cuisine)
♦ équipements cheminée Focus / luminaire en applique Toloméo d'Artémide / baignoire Bette Starlet / canapé Milano Bedding / chaises Vitra et Tolix / four Siemens / réfrigérateur Liebherr / lave-vais-selle Bosch / toilettes Roca / quincaillerie de porte Bezault et Sugatsune