Fremantle : sa jetée, son port, son musée maritime, sa statue de l'ancien chanteur d'AC/DC Bon Scott, et ses bâtiments historiques, les « convict-built » -des édifices construits par les bagnards envoyés dans les colonies britanniques pour purger leur peine de prison. C'est dans cette modeste ville d'Australie-Occidentale, à une vingtaine de kilomètres de Perth, que Kim et Philip possèdent une petite maison qu'ils louent depuis des décennies. Leur travail ne les obligeant plus à séjourner outremer, ils décident de s'y installer, mais souhaitent néanmoins réadapter les lieux à leurs envies et besoins. Ils contactent alors l'agence locale CODA qui, trop accaparée, les oriente vers un ancien associé : l'architecte Philip Stejskal.
MAIN TENDUE
L'édifice existant est étiré sur une parcelle toute en longueur - environ 40 mètres de long pour seulement 5,5 de large -, orientée est/ouest. À l'arrière, un grand jardin pourrait s'avérer un havre de paix bienvenu, mais il n'a jamais été très investi par les différents occupants. Et pour cause ! En contrebas de plus d'1,50 mètre par rapport à la maison, en vis-à-vis oppressant avec les parcelles mitoyennes et seulement animé par une pergola minimaliste datant des années 1980, il manque cruellement d'interaction avec l'habitation. La demande des propriétaires est simple : se réapproprier ce rectangle de verdure et profiter d'une pièce de vie en plein air mais à l'abri des regards. « La matérialisation du projet s'est faite presque par elle-même, nourrie des contraintes du site et des exigences programmatiques et budgétaires de Kim et Philip », résume Philip Stejskal. L'architecte supprime d'abord toutes les barrières physiques entre le jardin et la construction originelle : exit l'obsolète tonnelle et l'ancienne salle de bains au positionnement incongru ! Le dénivelé est ensuite rattrapé par une série de quatre larges marches de briques menant à une terrasse en lames d'eucalyptus avec banquette intégrée qui se prolonge par une pièce couverte aux usages et percements modulables. Son bardage intérieur en contreplaqué tranche avec sa carapace extérieure en Isorel rainuré, dont les lignes assumées ont été calculées pour capturer et laisser circuler un maximum de lumière. Lui faisant face, la nouvelle pièce d'eau, entièrement couverte d'eucalyptus, est repositionnée comme un long ruban étroit le long de la limite sud pour filtrer une partie des vues du voisin. Elle « tend la main vers le jardin » et dispose à son extrémité d'une baignoire en arc qui offre un point de vue privilégié sur le dehors une fois son grand volet soulevé.
« Le durable consiste avant tout à adopter un mode de vie qui permette d'interagir directement avec l'environnement. » Philip Stejskal, architecte
CARAPACE MOUVANTE
« L'immédiateté du rapport avec l'extérieur n'est pas nécessairement maximisée en supprimant tous les obstacles, mais peut au contraire être accrue en les soulignant », explique l'architecte. Les transitions entre les divers éléments du programme sont ainsi très marquées et délimitent autant de séquences que de scénarios d'usage selon le degré de proximité ou de séparation avec le jardin. La carapace de la pièce de vie mêle aussi volets pivotants et panneaux coulissants translucides en plexiglas. « Une partie du projet engendre un lieu qui n'est ni complètement intérieur, ni totalement extérieur, mais qui se dilate malgré sa petite taille », appuie Philip Stejskal.
Un espace dont les fonctions aussi sont indéfinies… donc multiples ! « La flexibilité inhérente à sa peau lui permet de capter plus ou moins de lumière, de se sentir protégé ou à la merci des éléments, d'abriter deux comme vingt personnes. Salon de lecture, lieu de réception, bureau, salle à manger, chambre d'amis, etc. : tout dépend de Kim et Philip qui adaptent eux-mêmes leur habitat en fonction de leurs besoins ! » Un comportement actif encouragé par l'architecte pour qui « le durable, plus qu'un système technologique onéreux, consiste avant tout à adopter un mode de vie qui permette d'interagir directement avec l'environnement ».
Un parti-pris qui n'a pas convaincu que ses heureux propriétaires, puisque le projet a reçu en 2014 le prix national de l'architecture résidentielle de l'Institut australien d'architecture !
► Article paru dans le Hors-série 44 : BEST OF - Maisons d'architectes actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Philip Stejskal Architecture -Philip Stejskal, Frangiska Skiadas, Yang Yang Lee et Hanna Horwitz
www.architectureps.com
♦ localisation Fremantle, Autralie
♦ livraison 2013
♦ bâti d'origine 1890
♦ études 9 mois
♦ travaux 12 mois
♦ surface 35 m²
♦ coût des travaux 140 000 dollars australiens (environ 93 630 euros, valeur 2015)
♦ matériaux contreplaqué (murs, plafond) / briques (marches) / béton (sol) / Tallowood (lames de terrasse, bardage salle de bains) / Isorel (revêtement extérieur) / acier (armature panneaux) / plexiglas (panneaux coulissants)