Le Salvador, plus petit pays d'Amérique centrale, démocratie récente frontalière du Honduras et du Guatemala, occupe plus les colonnes des médias internationaux pour son taux d'homicide que pour la qualité de son architecture. Pourtant, depuis que son gouvernement a conclu une trêve historique en 2012 avec les chefs de gangs du narcotrafic, la violence abaissé de façon spectaculaire, permettant à ses habitants de reprendre, tant que faire se peut, leur vie quotidienne. Après plusieurs années passées à l'étranger, une famille de quatre revient ainsi s'installer à San Salvador, la capitale, qui concentre plus de la moitié des habitants du pays. À la recherche d'un havre serein où échapper au tumulte de la métropole et profiter de la plage, ainsi que de moments privilégiés à quatre ou en compagnie de leurs amis, Rodrigo et Maru tombent amoureux de la vue sur l'océan d'une petite parcelle de 450 mètres carrés sur la Costa Azul. Bordée au nord par la forêt tropicale et le parc naturel El impossible, et par l'océan Pacifique au sud, elle se situe à seulement une heure et demie de voiture de leur résidence citadine. Au moment où ils s'en portent acquéreurs, le frère de Rodrigo travaille avec Cincopatasalgato. C'est donc naturellement qu'ils se tournent vers l'agence dirigée par l'architecte José Roberto Parades pour donner forme à leur maison de week-end.
PARADIS MARITIME
Le programme est simple : un lieu en connexion permanente avec l'extérieur, qui soit un terrain de jeux et de détente pour toute la famille, une immense pièce à vivre, une cuisine ouverte et conviviale, une piscine, le tout mêlant esprit contemporain à quelques touches rustiques. Aux architectes, ensuite, de matérialiser tout ça. Pour cela, l'agence a une méthode bien à elle : « Nous commençons avec des discussions collectives et individuelles avec les clients, pour mieux comprendre comment ils vivent ensemble et leurs aspirations, explique l'architecte. Puis nous recréons en quelque sorte leur vie sur des planches d'inspiration, qui fonctionnent comme un miroir reflétant leurs besoins, idées, rêves, et le plus important : leurs personnalités. » Ce portrait chinois guide ensuite toute la conception.
« À l'issue de nos échanges, poursuit José Roberto Paredes, le seul mot qui m'est venu à l'esprit pour qualifier ce qu'ils cherchaient a été : paradis. »
Néanmoins, faire de l'océan son jardin est moins facile qu'il n'y paraît. Non pas que les réglementations locales soient drastiques, la construction est peu réglementée sur la côte salvadorienne. En revanche, la nature du terrain, elle, nécessite une attention particulière portée aux fondations, afin que ce paradis tant souhaité prenne vie durablement.
PAILLOTE GÉANTE
« Construire sur le sable est toujours compliqué, explique José Roberto Paredes. Il faut gérer la malléabilité et l'instabilité du terrain, les taux d'hygrométrie variables. De plus, la côte donnant sur la mer des Caraïbes est soumise à une activité sismique constante, même si elle est de faible ampleur. » Ainsi pour concevoir les fondations en béton, les architectes doivent tenir compte du comportement des sols en cas de secousse, comme les tassements, ou les glissements. En plus des charges verticales que celles-ci absorbent dans toute construction, il faut également tenir compte de l'action horizontale d'un séisme. « Une fois la question des fondations réglée, le reste a été facile », s'amuse le maître d'œuvre. Plus que d'édifier des murs, les concepteurs s'attellent à structurer les vides pour créer un panorama unique sur la mer. Il faut dire que le climat est de leur côté ! Au Salvador, l'amplitude thermique annuelle est faible, procurant une température moyenne quasi constante de 25 °C. Ainsi, autour d'un large espace totalement ouvert accueillant la pièce de vie, ponctué par un patio planté central, seules les chambres, toutes équipées de salles de bains, rejetées le long de la limite est de la parcelle, sont installées dans des volumes fermés répartis autour d'un second petit patio végétalisé. Faisant face à ces simples parallélépipèdes de béton : un bandeau de cuisine qui peut être clos par une large porte coulissante, les toilettes et un petit espace de stockage, surplombés par un salon de télévision vitré en mezzanine. Le tout est chapeauté par une immense toiture en bambou recouverte de feuilles de palmier, conférant à l'ensemble des allures de paillote. Depuis l'entrée sur rue, le regard traverse ainsi sans obstacle le grand jardin à l'avant de la propriété, puis le séjour, pour plonger directement dans l'eau. En supprimant les murs et en créant un jardin intérieur, José Roberto Paredes réussit donc le pari d'une habitation conviviale, en connexion avec la nature environnante, et à l'architecture finalement très simple, à l'image de ses propriétaires.
« Maru et Rodrigo sont des gens de cœur, ouverts et généreux. Nous avons construit une belle amitié tout au long du projet. D'ailleurs en ce moment, nous sommes entrain de terminer leur maison en ville », conclut-il avec malice.
► Article paru dans le Hors-série 44 d'Architectures À Vivre : Best Of Maisons d'architectes actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Cincopatasalgato -Jose Roberto Paredes, Roberto Dumont et Marco Salcedo
www.cincopatasalgato.com
♦ paysagistes Organika
♦ localisation Costa Azul, Sonsonate, Salvador
♦ livraison 2013
♦ études 6 mois
♦ travaux 8 mois
♦ surface 180 m
♦ coût des travaux 129 600 euros matériaux béton (fondations, sols, structure, murs et aménagements intérieurs) / feuilles de palmier (couverture) / bois (structure toiture, escalier, mezzanine)
♦ équipements chaise Ikono et tables basses Circa chez Carrot concept / tabourets de bar chinés (cuisine) / robinetterie salles de bains Hansgrohe / vasques salles de bains American standard / ventilateurs de plafond The Big Ass Fan Company / panneaux coulissant en bois sur mesure de Claudia & Harry Washington / bar cuisine sur mesure de Claudia & Harry Washington / canapé salon sur mesure / literie béton sur mesure