Voilà quelques années que Marina et Boris se sont installés dans le quartier des Carmes, dans un appartement au cœur de la Ville Rose. Le temps passant, l'envie de sauter le pas en s'investissant dans une réalisation qui leur ressemble se renforce. Elle est d'autant plus étayée que les deux tourtereaux sont de la partie : Boris est conducteur de travaux, quant à Marina, elle est promoteur immobilier. Ayant élu le centre historique comme port d'attache, ils sont en recherche d'un existant qu'ils pourraient remodeler à leur goût. Très vite, ils se rapprochent de Laurent Didier rencontré sur le suivi d'un chantier alors que ce dernier faisait ses armes en tant que chef de projet pour une agence toulousaine. En 2013, il a fondé l'atelier BAST, fringuant acronyme de Bureau Architectures Sans Titre, avec Mathieu Le Ny, puis Luc Armau. Devenus amis, c'est tout naturellement que le couple décide de leur confier la conception de leur habitation.
RECHERCHE DE LOGIQUE
Dénicher la maison qui allait se prêter à la réhabilitation tous azimuts souhaitée par le couple fut déjà une victoire en soi. Le prix du mètre carré dans le centre-ville peut atteindre des sommes absolument décourageantes. Au gré d'une visite hasardeuse, Marina et Boris découvrent, nichée à l'abri des regards dans le jardin d'un immeuble sur rue, une chartreuse, petit bâtiment secondaire d'un étage spécifique de la typologie urbaine locale. De gros travaux sont à prévoir, le potentiel est certain, la situation idéale et le prix... conséquent. Pourtant, à force de négociations, une issue favorable est trouvée et l'équipe peut se mettre au travail. Le cahier des charges prend en compte un budget modéré et une surface disponible contrainte - un peu moins de 100 mètres carrés - pour dresser un programme volontairement synthétique : un séjour/cuisine, deux chambres, deux salles de bains et un atelier. L'agence BAST analyse les éléments existants, soupèse, propose. Le bâti d'origine est composé d'une construction principale d'un étage et comble avec laquelle communique une annexe de plain-pied dotée d'un toit-terrasse. Les pièces de vie existantes se trouvent dans l'ombre du rez-de-chaussée sur cour, celles de nuit à l'étage. Le souhait des clients d'un espace privatif et d'un autre de travail va servir de base à une réorganisation des espaces autour du principe d'entrées autonomes. « Une fois la faisabilité en double accès acquise grâce à la typologie du bâtiment doté d'un rez-de-jardin privatif surplombé par une toiture plane, explique Laurent Didier, inverser les fonctions initiales nous a permis d'optimiser les potentialités du bâti et de dérouler tout le programme. » Salon et cuisine sont implantés au premier niveau pour profiter des vues et de la terrasse ensoleillée ; en dessous, les chambres et salles de bains trouvent leur place autour de la cour, tandis que l'atelier est installé dans l'aile secondaire. Dans ce contexte de cœur d'îlot entouré de bâtiments, mais avec peu de vis-à-vis, la luminosité changeante des espaces extérieurs permet de jouer d'ambiances variées. Empruntant le graphique escalier métallique, on passe ainsi de la paisible cour à la vaste terrasse bordée de bambous et située dans le prolongement du salon à l'étage.
DISCOURS DE LA MÉTHODE
« Nous avons voulu prendre en compte le bâti dans ce qu'il nous offrait de plus précieux, une qualité de construction et de matériaux telle qu'on n'en fait plus aujourd'hui », souligne Laurent Didier.
Ainsi les points forts de l'existant - murs de briques et galets, charpente bois et tuiles canal du pavillon principal -sont mis en exergue. Au rez-de-chaussée, revêtus de bois lasuré noir, les volumes rajoutés à la chartreuse au fil du temps sont harmonisés. Un simple badigeon à la chaux aérienne met en relief la texture de la maçonnerie, posant en contraste assumé les nouvelles reprises en béton autour des linteaux de fenêtres. Une même recherche de dialogue délicat avec le bâti s'applique aux menuiseries : soulignant l'amplitude sous plafond, les portes en épicéa sont pensées toute hauteur ; les bardages de bois extérieur intégrant un volet devant la porte d'entrée de l'atelier et un cache-vue devant la petite salle de bains deviennent eux garde-corps de la terrasse. De l'ambition dans un budget maitrisé, de l'intelligence dans la synthèse, la proposition architecturale de BAST s'avère concluante.
« Une sensibilité partagée avec le bâti, le rapport de confiance avec nos clients et la qualité d'écoute et d'ouverture de nos entreprises pour expérimenter, tient à rappeler Laurent Didier, ont été ici décisives. »
Article paru dans le hors-série 36 : Lofts et maisons de ville
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes BAST Laurent Didier, Mathieu Le Ny et Luc Armau
www.bast0.com
♦ localisation Haute-Garonne (31)
♦ bâti d'origine XIXe siècle
♦ livraison 2014
♦ études 4 mois
♦ travaux 10 mois
♦ surface 90 m2 SHON
♦ coût des travaux 130 000 euros HT
♦ matériaux panneaux Trilatte sous-face OSB (toiture) / dalle active en béton poncé (plancher) / contreplaqué en épicéa (doublage) / polycarbonate en double peau (pignon) / badigeon à la chaux (façade principale) / aluminium naturel (menuiseries) / pin classe 4 avec saturateur noir (bardage bois) / dalles béton engazonnées (cour privée) / béton coulé sur place (escalier intérieur) / acier soudé sur place (escalier extérieur) / OSB peint en gris anthracite (cuisine) / plancher chauffant rafraîchissant (dalle active)
♦ fournitures plan de travail en résine LG (cuisine) / contreplaqué Spruce epicéa 18 mm (revêtement bois) / monoplaque de marbre de Carrare (salle de bains) / système Hifi encastré Bose (mezzanine)