D'où vient cette exploration passionnée de la lumière ?
Je suis nîmoise, j'ai grandi avec la lumière vive du sud. Enfant, j'ai beaucoup joué dans les rideaux et je trouvais fascinant la manière dont la lumière métamorphosait la matière, la rendait elle-même lumineuse. Cette sensibilité aux interactions matière/ lumière ne m'a jamais quittée. Cela, et une passion pour les nouvelles technologies, qu'il s'agisse du photovoltaïque, des OLEDs, de la bioluminescence, etc. Autant d'innovations qui invitent à repenser nos usages de la lumière, à imaginer des alternatives plus durables, à travers de nouveaux scénarios qui réinventent ou vont au-delà du luminaire. Après, les problèmes majeurs auxquels je me heurte sont la recyclabilité des composants électroniques, l'état de maturité de certaines technologies ainsi que leurs coûts. Mais il y a tant à faire ! Et cela passe à mon sens par une approche sensible des choses pour les faire comprendre, les rendre accessibles. En la matière, la lumière est champ d'exploration fantastique.
Quels champs de réflexion particuliers ouvre cette exploration de la lumière ?
Lorsqu'on travaille sur la lumière, on touche à des données à la fois immatérielles et très concrètes, qui ont un effet immédiat sur le ressenti. Cela convoque donc autant la science que la dimension sensible. Je dirais que cette double approche permet de réfléchir à un discours sur la lumière au-delà de l'objet, de l'intégrer dans un contexte plus vaste, qui prenne autant en compte l'urgence climatique que le rapport sensoriel que nous souhaitons entretenir avec les objets qui nous entourent.
Comment cela se traduit-il dans vos projets ?
Paperwork, par exemple, est un projet de recherche pour rendre le papier lumineux. La lampe, le diffuseur et le réflecteur sont tous intégrés dans la même peau. Le papier est un matériau peu cher, d'une grande plasticité. Il peut être courbé, plié, découpé… Imaginez le stockage ou le transport : les volumes nécessaires se-raient considérablement diminués. Idem chez soi ! Vous pliez votre applique, vous la punaisez au mur, et voilà. Je travaille d'ailleurs en ce moment au développement de quatre objets lumineux en papier avec la Galerie Bernard Chauveau, à partir de ces recherches. Dans le même esprit, j'ai collaboré avec la maison Solstiss, membre du label Dentelles de Calais de Caudry. Cette expérience a donné Dolls : une feuille de dentelle lumineuse qui, une fois pliée, devient une lampe. Dans un autre registre, j'ai développé à mes débuts un lustre photovoltaïque, Lulu01, dans un bâtiment qu'avait dessiné mon père architecte. Il s'agissait de convertir en énergie la lumière naturelle qui abondait dans le grand puits central pour éclairer les lieux. Nous étions en 2009, la miniaturisation des panneaux et leur usage en intérieur étaient balbutiants, mais ça a été passionnant à mettre au point ! Les petites plaques photovoltaïques captaient et diffusaient la lumière, et agissaient comme mille et une facettes qui amenaient une dimension décorative.
Et la couleur dans tout cela ?
La couleur a toute son importance et il faut l'expliquer. C'est tout le sens des tapis Spectrum et Disappearing Spectrum édités par Nodus. Ils représentent les évolutions du spectre lumineux. L'une des premières relations lumière/papier dans l'histoire, c'est la diffusion du savoir à travers l'enluminure… Et disons qu'en matière d'innovation, la dimension pédagogique - expliquer le fonctionnement des technologies et les usages potentiels qui peuvent en découler - c'est essentiel. D'où aussi, le coffret que j'ai conçu à partir de la recherche Paperwork. Si l'utilisateur peut explorer lui-même le procédé, il est mieux à même de le comprendre, de l'accepter.