En tant que photographe, en quoi consiste votre collaboration avec Sammode ?
Elle consiste à mettre littéralement en images la marque. À mon sens, la photo est presque la finalité du processus de fabrication de l'objet. Concrètement, mon approche est plutôt rigoureuse et minimaliste. C'est une question de lumière, de cadre, de micro angle qui fait que d'un coup, l'équilibre fonctionne. Il n'y a pas d'effet. Pour ce faire, je mets au point des méthodologies de travail, des grilles de cadrages. Ce qui permet, à partir d'une image un peu générique, et en faisant aussi ce que l'on appelle du bracketing (programmer diverses expositions, pour une seule prise de vue) d'obtenir une sorte de matière première brute, adaptable, pour répondre à divers besoins en post production et aux contraintes de diffusion. La multiplication des prises de vue est inutile, sincèrement ! Si l'image est bien pensée au départ, ça fonctionne. Et puis aujourd'hui, la manière de regarder les images est tellement furtive ! Mieux vaut construire, pas à pas, la manière de montrer, de raconter, pour produire quelque chose de pérenne.
Si l'on prend les deux reportages que vous avez réalisés pour le livre, l'anatomie du tube et le site de production. Comment ceux-ci ont été élaborés ? Qu'avez construit comme histoire ?
Précisons d'abord que c'est un travail d'équipe, avec Normal Studio, à la direction artistique de la marque, et les dirigeants de l'entreprise, vraiment très impliqués dans le processus. En ce qui concerne le tube, nous avons essayé de magnifier quelque chose d'extrêmement technique, en prenant le parti d'une certaine abstraction, pour montrer l'objet dans une forme de nudité, mais mise en scène. Notre problème principal concernait l'échelle : montrer ensemble des tubes transparents, très grands, et de toutes petites pièces colorées. Nous avons imaginé un système de quadrillage - des carreaux de medium peint en blanc de 80 x 80 cm - qui nous permette de tout montrer, avec une vraie économie de moyens. Le résultat se situe entre l'installation d'art contemporain, une ville imaginaire, et un décor de cinéma de science-fiction des années 1960. Le travail en amont est énorme ! On a référencé un nombre incalculable de pièces, que Sammode a produites juste pour le shooting réalisé en studio en une journée. Pour chaque image, j'ai fait des plans que les designers ont modélisés en 3D. Le jour J, les objets, protagonistes de l'histoire que l'on allait raconter, étaient tous déjà installés sur le set. Nous avons fait quelques petits arrangements de dernière minute, et go. À l'usine, c'était différent. J'étais, en quelque sorte, sur le motif. Là, j'ai essayé de faire de très gros plans, d'être dans la matière, comme si on montrait des bijoux .
De manière générale, comment photographie-t-on la lumière ?
La difficulté est double : il faut montrer l'objet et la lumière que celui-ci diffuse. Donc, quand on fait un gros plan, la lumière tombe sur une surface, mais aussi sur des couleurs, des textures, un motif, etc. Ce sont de petites gymnastiques qui demandent beaucoup de préparation. La prise de vue en elle-même ne représente peut-être que 10 % du travail ! L'équilibre tient parfois de manière miraculeuse, mais il faut un certain degré d'abstraction. C'est un point commun avec les designers, leur sens du détail. La démarche photographique et la démarche de design sont très proches !
Sammode, À plein tube, de Christian Simenc, Flammarion, 180 pages, 24 x 31 cm, 55 euros.