Lorsqu'il rachète en 1997 la verrerie Janštejn Glasswork fondée, elle, en 1809, Jan Rabell est animé par l'idée de restaurer le prestige de cette usine bicentenaire, détentrice d'un savoir-faire d'exception : celui des verriers de Bohême. À ce moment-là, la manufacture produit de grosses pièces pour d'autres marques. Mais pour projeter celle-ci dans le XXIe siècle, il créé la marque Brokis en 2006. Son idée ? Développer des collections de luminaires qui permettent non seulement de préserver les techniques de soufflage en voie de disparition, mais aussi d'innover dans ce domaine. La rencontre, en 2010, à Paris, avec la designer tchèque Lucie Koldova est déterminante. Elle signe, en collaboration avec le designer Dan Yeffet, trois collections, dont Muffin, une énorme bulle de verre posée sur un petit piédestal en bois, aujourd'hui iconique de la marque. Puis elle s'engage dans l'aventure design de la manufacture, en tant que directrice artistique.
L'objectif ? Faire exister Brokis comme une marque à part entière, en affinant une ligne éditoriale et une offre de produits cohérente avec le savoir-faire de la verrerie, à travers des collections également signées par d'autres créateurs. « L'entreprise avait beaucoup d'ambition : préserver l'héritage, le chérir même, tout en le modernisant, en innovant, et en intégrant le design, raconte Lucie Koldova . Nous avons appris en faisant, en expérimentant. Le verre est toujours le point de départ, et j'aime cette idée de l'adoucir, de le révéler, de le mêler à d'autres matériaux, qu'il s'agisse du bois, du métal, que nous pressons à la main à l'usine, ou encore du cuir, de l'onyx, de la corde. Le luminaire est une typologie à part. » Car la lumière, c'est d'abord un phénomène, quelque chose que l'on ne comprend pas entièrement.
C'est aussi une source d'énergie, dont la créatrice s'attache à révéler toute la poésie. C'est enfin la combinaison de technologies complexes. Le temps de développement est long, beaucoup plus que pour du mobilier. D'autant plus qu'ici, tout est produit à la main, sur place, parfois soufflé dans des moules d'une grande complexité. Lorsque l'on demande à la designer de décrire l'approche, elle répond : « Je crois que la générosité est un bon qualificatif : générosité des volumes, des proportions, des formes. Nous y mettons tout notre cœur. Nous essayons de travailler avec des matériaux et des couleurs atemporels. Parfois, sur des collections comme Capsula , nous allons vers des tonalités plus affirmées, joyeuses, nous tentons de manière générale d'intégrer de la diversité, en nous appuyant aussi sur d'autres créateurs. » À chaque fois, il s'agit de raconter une histoire particulière, que le verre vient révéler. Lucie Koldova poursuit : « Jack O'Lantern évoque le point lumineux des petites lanternes qui dans la nuit, guidaient les voyageurs qui rentraient chez eux. Le sablage du globe masque la source pour en révéler la brillance un peu flottante. La cage fine, en métal, disparaît de loin, et le piétement en marbre l'ancre dans une forme de préciosité. Les collections Capsula ou Mona jouent encore autrement avec la source, encapsulée dans un abat-jour soufflé plus grand, aux teintes délicatement travaillées. » Tout le potentiel émotionnel réside au fond dans ce jeu avec la matière, ses traitements, et les formes.
« LE VERRE EST TOUJOURS LE POINT DE DÉPART. »
Et c'est bien plus complexe qu'il n'y paraît ! D'autant que le luminaire n'est pas toujours allumé, et qu'il faut aussi penser à son autre forme de présence, peut-être plus sculpturale. Et le meilleur endroit pour puiser l'inspiration reste l'atelier, afin de mieux sceller le dialogue fructueux entre verre et lumière, donc.