Déployé sur trois niveaux, avec une double exposition nord/sud, une grande verrière qui inonde le volume de lumière et deux balcons filants de chaque côté, l’appartement d’origine a déjà bel allure. Amandine vit dans les lieux depuis plus de 7 ans et y a déjà tissé son histoire. Elle demande donc à l’architecte Aude Soulain de « sublimer et optimiser l’espace sans pour autant bouleverser ses habitudes ». De nombreux échanges s’instaurent alors entre elles pour, petit à petit, donner forme au projet. Si, comme le souhaitait la propriétaire, les cheminements quotidiens et la disposition des pièces ne sont pas modifiés, la métamorphose n’en est pas moins profonde.
LE SOUCI DU DÉTAIL
La structure est entièrement mise à nue et l’ensemble des murs et des combles est isolé thermiquement et phoniquement. Une fois l’enveloppe remise au goût du jour, l’architecte décide de faire table rase de toutes les cloisons et des aménagements intérieurs. Le rez-de-chaussée, large plateau entièrement ouvert et généreusement éclairé par la verrière dont les châssis ont été redessinés, accueille le séjour avec un espace bureau et la cuisine. À l’origine îlot surélevé sur un podium en demi-cercle, celle-ci est maintenant rassemblée le long du mur dans une boîte suspendue à quelques centimètres du sol, compactant toutes les fonctionnalités. Ses panneaux amovibles permettent de faire disparaître placards et plan de travail au gré des envies et des besoins.
Le living-room en double hauteur n’échappe pas à cette chasse au mètre carré utile et bien pensé. Le placement de chaque élément de rangement est précisément étudié et ceux-ci sont ensuite réalisés au centimètre près, des étagères aux placards, dont seules les fines poignées laissent deviner la présence. Autre signature de l’architecte : des joints creux soulignent les différents volumes, à l’image des sous-faces de la mezzanine élégamment marqués et dont les lignes délicates accentuent les perspectives. Dans cet espace à la blancheur immaculée, seule la cheminée d’origine est conservée, se détachant comme un témoin immuable de la transformation qui l’entoure.
HARMONIE DES COURBES
Pièce maîtresse du rez-de-chaussée, l’escalier mène à la mezzanine. Si l’idée d’une forme en colimaçon est suggérée par Amandine, Aude Soulain le déploie en un volume hélicoïdal d’une grande pureté donnant toute son caractère à l’habitation. Là encore, chaque détail est maîtrisé, de nombreuses esquisses ayant été nécessaires pour trouver la juste harmonie des courbes et valider cette prouesse technique. Des calculs d’ingénieur ont ainsi déterminé la nécessité de fixer une plaque de répartition des charges sur les poutres encastrées sous le plancher. Ceinturant les marches pliées en tôle acier, la spirale se love ensuite autour d’un fût central garant de sa stabilité.
À l’étage de la mezzanine – entièrement reconstruite –, l’escalier devient élément structurant : tel un ruban d’un seul tenant, son garde-corps plein se prolonge sur la passerelle qui distribue la chambre et la salle de bains des invités, dissimulées derrière les sobres lignes des portes à charnières invisibles. Une coursive mène ensuite jusqu’au balcon côté rue qui offre un panorama spectaculaire sur le Sacré-Cœur. Depuis cette hauteur, on appréhende mieux la pente affirmée de la verrière et le décroché de plafond qui change la dynamique en brisant la tension des lignes.
L’architecte profite aussi au maximum du volume en double hauteur pour multiplier les points de vue et jouer avec les effets de la lumière qui s’enroule autour du colimaçon, ricoche sur les volumes ou s’échappe pour mieux révéler les effets de profondeur.
MONDE DE LA NUIT
Habilement camouflée dès le palier de la mezzanine, une porte coulissante protège l’accès au dernier étage, lové sous les toits. La surprise y est totale, puisque, contrastant de manière radicale avec la clarté des autres lieux, l’ascension des dernières marches se réalise dans une atmosphère bien plus intimiste. Entièrement repeinte en noire, la cage d’escalier, ponctuée d’un cabinet de curiosité, débouche sur l’espace privé d’Amandine. À l’origine, deux petites chambres et une salle de bains composaient cette mansarde cloisonnée. Aude Soulain la réorganise entièrement et réunit les fonctions dans une boîte en lévitation parée d’or accueillant le dressing et la pièce d’eau baignée de lumière zénithale grâce à l’ajout d’une fenêtre de toit. Le reste de la suite est doté d’un caractère tout aussi singulier où se mêlent dorures, aplats noirs et tapis aux motifs entêtants.
Cocon intime, tanière secrète, ce dernier niveau est un refuge bien protégé, l’envers du décor ouvert et immaculé des étages précédents. Un contraste affirmé pour un projet qui témoigne de l’importance d’une relation étroite entre client et architecte.
FICHE TECHNIQUE
♦ architecte Aude Soulain Architecture – Agence ASA (Paris-Nantes)
♦ localisation Paris, 9e
♦ année de réalisation 2013
♦ bâti d’origine années 1900
♦ études 8 mois
♦ travaux 10 mois
♦ surface 134 m² shon
♦ matériaux utilisés béton décoratif (sols) / mdf à peindre (?) / placage bois Marotte / placage doré Abet Laminati / métal thermolaqué (escalier, huisseries) / verre et métal (garde-corps) / laque mate et inox (cuisine)
♦ fournitures cuisine Boffi / spots encastrés Modular Lighting / interrupteurs cjc Systems / baignoire Vieques de chez Agape / robinetterie Stiriana de chez Mina / rigole de douche Viega / robinetterie et colonne de douche de chez Agape / vasque Twin de chez Flaminia / W.-C. Link de chez Flaminia / canapé 514 Refolo Charlotte Perriand de chez Cassina / chaises LCW Eames de chez Vitra / appliques pivotantes de Charlotte Perriand / applique à deux bras de Serge Mouille / table à manger Ventaglio de Charlotte Perriand / moquette David Hicks
♦ dispositifs énergétiques isolation de la toiture et des rampants / doublage des murs périphériques / baies double vitrage sur châssis métal / peinture écologique / adoucisseur d’eau Permo