Rédigé par Charlotte Pavard et Julien Simon | Publié le 20/04/2018
Perché à 76mètres, le clocher de la Torre dos Clérigos offre un aperçu des bâtiments emblématiques de la ville, aux influences variées. À l’intérieur du Palais néoclassique de la Bourse, le Salon mauresque interpelle; à la librairie Lello & Irmão ou au Café Majestic, Porto chante l’Art nouveau. Couvert d’azulejos, le hall de la gare ferroviaire de São Bento (1916) que l’on doit à l’architecte José Marques da Silva est une vitrine d’exception de ces fameux carreaux de faïence. Il en va de même pour les façades pavées de bleu des églises manuélines et baroques, Santa Clara ou do Carmo. Lauréats du Prix Pritzker respectivement en 1992 et 2011, les enfants stars du pays sont Álvaro Siza et Eduardo Souto de Moura. On doit, entre autres réalisations, au premier la Piscina das Marés (1966), l’École d’architecture (1993) et le Musée d’Art contemporain de la Fondation Serralves (1999); au second, la tour Burgo (2007), bâtiment de granit dont les proportions ont été travaillées pour offrir une sensation d’élévation.
Tournée vers l’avenir, adorée des touristes qui voient en elle la nouvelle Lisbonne, en plus confidentielle, Porto est une ville d’architectes.
En 2005, la Casa da Musica du Hollandais Rem Koolhaas redonne vie à la ville moderne. L’auditorium devient un lieu de rencontre pour les habitants, qui ont gagné une programmation musicale et un nouveau quartier. Le centre d’architecture Casa da Arquitectura est installé depuis novembre 2017 dans de nouveaux locaux au sein de l’ancienne usine réhabilitée de la compagnie vinicole Menéres & Companhia (1901).
LE LONG DU PORT
Sur la route commerciale entre Lisbonne et Braga, Portus Cale est stratégiquement aménagée au Ier siècle avant J.C. sur la rive droite du fleuve Douro. C’est bien plus tard que le nom du royaume du Portugal lui sera attribué. Au Moyen Âge, le centre est protégé par les enceintes « fernandines» et inclut la zone portuaire, dotée d’une cathédrale-forteresse de style roman, la Sé. Au cours des siècles, «La ville invaincue» aura été wisigothe, normande, maure et portugaise, les yeux toujours rivés vers l’activité maritime. Inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, l’actuel cœur historique de la ville répond au tissu urbain du centre médiéval. Au centre, l’Avenida do Aliados, magistrale artère centrale du début du XXe siècle, se pare de granit clair. De prestigieux hôtels, organismes de presse, compagnies d’assurance et cafés habillent ses allées, dont le Café Imperial est le joyau.
REVITALISATION DU CENTRE
À la fin des années 1940, le centre de Porto souffre des conséquences d’une politique de plafonnement des loyers. Les propriétaires des belles bâtisses délaissent l’entretien de celles-ci, baissant les bras devant le peu de revenus engrangés. En 2011, le recensement montre que la ville a perdu un tiers de ses habitants en trente ans, en particulier dans le vieux centre mal desservi en transports en commun. La population active s’est évadée vers la périphérie, attirée par les installations récentes.
Sans qu’il n’existe de véritable plan urbanistique pour revitaliser ce centre, une initiative low cost et passionnante a été initiée en 2012 par une équipe de jeunes architectes, sous la houlette de José Paixão.
Achevé en 2014, le projet pilote Arrebita! Porto s’est attaché à réhabiliter avec succès le numéro 42 de la rua da Reboileira, suivant une logique qualitative et peu coûteuse. Dans un même élan, plusieurs voies ont ainsi fait peau neuve. En 2005, les travaux communs d’Álvaro Siza et Eduardo Souto de Moura ont conduit à la restructuration de l’Avenida do Aliados montrant, à nouveau, l’attachement de ces deux architectes à l’insertion paysagère. Et depuis sa piétonisation, la rua das Flores, avec ses restaurants conceptuels et ses vieilles merceries devenues boutiques de design, est un aimant à classes moyennes. Celles-là même qui, il y a peu, désertaient encore la ville pour la périphérie.
UN PORTO SUR LE PORT
Porto est aménagée sur la rive droite du Douro, le long du quartier de la Ribeira réorganisée au début des années 2000 par l’architecte catalan Manuel de Solà-Morales. En face, à côté du monastère de Serra do Pilar, les berges de Vila Nova de Gaia abritent les chais du délicieux vin auquel la ville a donné son nom, le Porto. Entre dégustations et promenades, locaux et touristes vont de ravissement en ravissement le long de ces berges pleines de charme, que l’on peut parcourir en bateau, ou en vieux tramway EléctricoI, vers le Pont ferroviaire Maria Pia achevé par Gustave Eiffel en 1877. C’est sur ces rives que l’on goûte à la francesinha, copieuse spécialité locale composée rien de moins que de pain, de jambon, d’un steak, de fromage, d’un œuf au plat et de frites ! Un plat de fin de soirée idéal en somme, dans une ville où les étudiants sont légion. La vie nocturne bat son plein dans Megaro Bombarda, quartier riche de belles galeries d’art en journée, et seul quartier que l’on pourrait qualifier de gentrifié. Humer l’ambiance du Mercado do Bolhão, c’est s’imprégner un peu plus encore de l’atmosphère chaleureuse et sans ostentation de la «capitale du nord», qui est en passe de devenir une première ville de cœur pour ses découvreurs.
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