En Alsace, près de Colmar, un couple de médecins rêve d’une maison en bois avec vue sur la vallée de Munster. L’agence strasbourgeoise Dratler Duthoit architectes mandatée pour ce projet conçoit une structure de béton, allégorie du donjon, laquelle s’érige en colonne vertébrale pour soutenir la construction en bois massif entièrement local. Un projet empreint de poésie et de géométrie.
L’ histoire du projet commence à Strasbourg où les voisins de palier de l’architecte Maxime Dratler, cofondateur de l’agence Dratler Duthoit architectes, le sollicitent pour rénover leur appartement. Au fil du projet, les clients deviennent des amis et font de nouveau appel à lui pour leur future maison. Tous deux médecins, lui fait des gardes à l’hôpital quand elle sillonne les routes pour des remplacements. C’est au détour d’un de ses déplacements qu'elle découvre un terrain dans la vallée de Munster. Le coup de coeur est immédiat pour la vue sur le massif arboré du Petit Ballon. Ils rêvent alors d’une maison en bois délicatement posée sur cette parcelle en pente, dotée de grandes baies vitrées afin de profiter du paysage.
QUAND LA POÉSIE S’INFILTRE
La demande est simple mais la réalisation complexe. Le terrain se trouve à 650 mètres d’altitude, avec une très forte déclivité et d’importantes chutes de neige l’hiver ; il est donc délicat d’envisager une maison 100 % bois pour des questions d’infiltration d’eau et de glissement de terrain. L’architecte imagine alors un noyau en béton qui permet d’ancrer la construction dans le sol tout en assurant le contreventement – et par conséquent la stabilité – de son ossature en bois. Cette tour minérale n’est pour autant pas simplement réduite à sa fonction structurelle et accueille en son sein l’escalier principal. Relativement restreinte et close, la circulation verticale est agrémentée d’un « trou de boulin » (percement dans le parement d’une maçonnerie destiné à recevoir un boulin, une pièce de bois horizontale supportant un échafaudage) ménageant une vue sur la forêt au loin, et d’une fenêtre haute biseautée assurant un apport de lumière zénithale. « Ce ne sont pas des gestes gratuits, ils ont une utilité et participent au récit. Nous pensons que l’architecture va au-delà de la construction ; elle possède une dimension poétique et sensible qu’il nous faut préserver », révèle Maxime Dratler. Et cette dimension invisible transparaît aussi dans l’agencement des espaces. La maison de bois repose sur un plan carré dont les pièces, directement connectées au noyau de béton, s’organisent en enfilade et de façon circulaire ; matérialité et conception de l'espace soulignent ici une véritable allégorie de la cabane perchée et du donjon. L’architecte explique que pour éviter un important terrassement du site, « le plancher bas s’échelonne sur quatre niveaux de sol, déterminés en fonction du terrain naturel. Ces différentes altimétries définissent quatre espaces (l’entrée, le séjour, la salle à manger et la cuisine), formant chacun un rectangle d’or », figure géométrique utilisée notamment par Le Corbusier, Iannis Xenakis ou encore Salvador Dalí. Aucune cloison n’est nécessaire entre les pièces de vie car ces jeux de volumétrie distinguent naturellement les usages. Et si ce travail de la forme reste imperceptible pour beaucoup, Maxime Dratler est convaincu que « ces proportions apportent une justesse, une évidence au plan, et participent à l’atmosphère de la maison ».
LE MARIAGE DE L’OSSATURE ET DE LA MASSE
Le projet est un subtil mélange entre la légèreté de l’ossature et la masse du soubassement et du noyau central. Le bois, issu de filières locales situées à moins de 40 kilomètres du chantier, est entièrement massif pour éviter colles et solvants – une règle pour Maxime Dratler et Gautier Duthoit. La charpente en épicéa provient d’un site de production à 20 kilomètres du chantier, le douglas utilisé pour la façade a lui seulement parcouru 10 kilomètres, le parquet est en chêne de Bourgogne et le mobilier en frêne des Vosges simplement huilé. « Nous voulions mettre en valeur le travail du charpentier » précisent les architectes. C’est ainsi que les solives supportant le plancher de l’étage prennent appui par paume et queue d’aronde, une technique traditionnelle pour emboîter les pièces sans utiliser ni platine ni vis. Et pour chauffer l’ensemble de la maison, les apports solaires des grandes fenêtres orientées au sud sont complétés par un seul et unique poêle de masse, intégré sous l’escalier, au coeur du noyau de béton, afin d’améliorer l’inertie et le rayonnement de la chaleur. Plus cher et plus complexe que les autres poêles, celui de masse est néanmoins nettement plus efficace et donne toute l’âme à la maison. Sa conception perpétue la tradition ancestrale alsacienne des « Grundofen » (système horizontal) et « Kachelofen » (poêle faïencé) avec des carreaux de céramique de 22 centimètres de côté qui participent eux aussi à favoriser l’inertie. « Traditionnellement, un carreau chauffe un mètre cube de volume, l’artisan pouvait donc calculer la surface de faïence en fonction du volume à chauffer » explique Maxime Dratler. Ce matériau brillant, dont la couleur change en fonction de la lumière, réchauffe l’ambiance des pièces de vie. Sans technologie ni capteur, les propriétaires sont amenés à apprendre à vivre avec leur maison et à exploiter tout le potentiel de cette ambivalence entre béton et bois. En Alsace, près de Colmar, un couple de médecins rêve d’une maison en bois avec vue sur la vallée de Munster. L’agence strasbourgeoise Dratler Duthoit architectes mandatée pour ce projet conçoit une structure de béton, allégorie du donjon, laquelle s’érige en colonne vertébrale pour soutenir la construction en bois massif entièrement local. Un projet empreint de poésie et de géométrie.
Le duo de l’agence Dratler Duthoit architectes conçoit un plan carré selon un principe de continuum spatial où les pièces
de vie profitent du volume et de la lumière en s’organisant sur des niveaux de sol différents. Les usages varient au fur et à
mesure de la déambulation et sont simplement identifiés par ces jeux d’altimétrie.
En adaptant le positionnement des fenêtres aux différents niveaux de plancher, les architectes conçoivent une façade rythmée offrant des points
de vue variés. Dans le salon, les ouvertures hautes privilégient les cadrages sur le lointain. Les habitants profitent ainsi d’une
lumière naturelle zénithale autant que du paysage de montagne sans apercevoir le lotissement disparate situé en contrebas.
Le noyau de béton augmente l’inertie de l’habitat et permet de diffuser la chaleur produite par le poêle de masse qu’il accueille en rez-de-chaussée. Sa
base carrée est complétée d’un escalier central et d’un espace de rangement côté cuisine dont la porte en bois semble léviter.