À Bordeaux, un couple vit dans seulement 4,50 mètres de large… sans pourtant jamais le ressentir ! Une prouesse signée de l'atelier deux points de Claire Le Rouzic, qui a rénové une ancienne échoppe typique de la région avec une approche écologique et la volonté de travailler avec le déjà-là. Un projet global, où chaque détail est pensé pour optimiser la surface, capturer la lumière et faire oublier les murs.
Si la mémoire peut jouer des tours, elle demande aussi parfois à être simplement rafraîchie… Quand Céline et François découvrent cette échoppe bordelaise en périphérie de la ville, elle est en fort mauvais état. Sombre et étouffante, très cloisonnée, avec des faux plafonds qui écrasent l’espace et des pièces en enfilade, elle ne répond plus aux usages contemporains. Les lieux ont en effet connu une suite de transformations et d’extension malheureuses, à l’image du petit studio délabré en fond de jardin, imbibé d’humidité et de moisissures. Difficile de s’y projeter pour le couple, surtout sur cette parcelle toute en longueur et de 4,50 mètres de large seulement. Mais la rareté d’un tel bien, la proximité des commerces et le charme de cet ancien quartier de cheminots les poussent à chercher le professionnel qui saura trouver les bonnes réponses et les accompagner dans leur sensibilité écologique et patrimoniale. C’est portés par ces valeurs qu’ils se rapprochent de la philosophie de travail de l'atelier deux points de Claire Le Rouzic.
PLAISIR DE L’OEIL
Équipé avec très peu de mobilier, le couple souhaite également que l’architecte prenne en charge le dessin de l’aménagement intérieur. Une mission globale donc, ponctuée d’un programme ambitieux, avec trois chambres pour pouvoir accueillir la famille et les amis de passage, un coin bureau, un espace modulable pour diverses activités, un maximum de lumière et l’idée récurrente du « faire avec » ! De la volonté d’écarter les espaces de nuit de l’effervescence de la rue et d’avoir la cuisine – pièce la plus occupée par le couple – s’ouvrant sur le jardin, naît l’enchaînement logique du programme. L’objectif étant de gagner en volume et en clarté, les cloisons et les faux plafonds sont tombés pour gagner de la hauteur (et ainsi créer des mezzanines pour les couchages d’appoint), les doublages supprimés pour retrouver la chaleur de la pierre calcaire typique de la région et retravaillée par un compagnon tailleur. L’espace respire alors, l’oeil s’offre de nouvelles perspectives qui atténuent l’effet d’étroitesse des lieux. Cela libère également un grand plateau libre, où est centralisée une boîte pour les espaces plus intimes. Rotule du projet, c’est elle qui organise les circulations, cadre les vues, sépare et relie en même temps les différents espaces.
MATIÈRES VISIBLES
Face à la maison principale, et entièrement rénové, l’ancien studio en fond de parcelle est pensé comme la pièce modulable pour la cuisine d’été, le bureau, la salle de jeu ou de yoga, la suite des amis… Pour assurer la cohérence d’ensemble, il est traité « selon un langage équivalent » : même finitions, même modénature d’ouvertures, même double hauteur et mezzanine. « Face à face, les deux façades se répondent : deux baies escamotables toute hauteur et largeur qui regardent le jardin et qui, une fois ouvertes, ne forment plus qu’un seul et même espace », synthétise l’architecte. À la recherche d’une essence de bois non exotique, claire et très dense – car utilisée aussi pour les portes ou le mobilier –, mais qui réfléchisse aussi la lumière et dialogue avec la pierre calcaire, Claire Le Rouzic opte pour du bouleau finlandais, simplement verni pour conserver le veinage. « Le fil directeur était de laisser la matière visible et de retrouver aussi la brutalité existante en travaillant avec le déjà-là. » Car en plus de favoriser les matériaux biosourcés, le leitmotiv est ici au réemploi, avec par exemple la réutilisation des anciens parquets pour les nouveaux sols. Pièce centrale entièrement repensée, le jardin de 50 mètres carrés cumule lui, selon les souhaits des propriétaires, un espace baignade, une zone gazonnée, un mini potager, un espace pour les repas et une cuve de récupération des eaux de pluie pour l’arrosage et l’alimentation des toilettes. Afin d’optimiser cette surface, la terrasse en robinier est montée sur des roulettes guidées par un rail pour coulisser, venir recouvrir la piscine et libérer ainsi un jardin planté d’une pelouse persistante et piétinable de lippia, plante méditerranéenne résistante aux sécheresses, aux inondations et au froid et ne nécessitant ni tonte, ni entretien.
De cette pelouse pensée au brin près à la porte d’entrée dessinée sur mesure, chaque intervention est donc ici parfaitement optimisée pour faire oublier les murs. Dans ce lieu de prime abord complexe, la sensation créée est celle d’un seul et même volume où les différents espaces s’enchaînent naturellement, où la lumière est reine, où la fluidité de chaque instant s’efface devant la richesse de l’expérience spatiale et le soin des détails. Tout simplement l’écrin parfait pour mieux se souvenir des belles choses.
©️Romain Fabry
Les pièces de vie sont orientées côté rue pour préserver la tranquillité
des chambres. La mezzanine, qui ne s’appuie pas sur le mur, et
le meuble de l’entrée, décollé du plafond, laissent passer l’air et la
lumière, et semblent flotter dans l’espace. En pierre de taille calcaire,
la façade, bien que moins riche en modénatures que celles du centreville
bordelais, brille sous le soleil. La porte vitrée, sur mesure, permet
d’apporter une nouvelle source de lumière dès l’entrée.
©️Romain Fabry
« La petite maison dans la maison » abrite une salle d’eau et la chambre,
dévolue maintenant au petit dernier. Les circulations s’enroulent
de chaque côté de cette boîte, avec « un chemin public naturel à droite, richement
décoré et qui cadre le jardin, et la rue secondaire à gauche, plus
technique et privative, avec les accès à la chambre et aux W.-C ».
Le poêle central à granules est le seul chauffage de l’habitation.
AXONOMÉTRIE
La parcelle, toute en longueur, fait moins de 4,50 mètres de
large par 30 mètres de long. Avec l’impossibilité de s’ouvrir sur les
murs mitoyens, ce sont les deux seules baies en façade sur le jardin
(couplées aux ouvertures zénithales existantes) qui capturent toute la lumière.
©️Romain Fabry
« Lieu laboratoire », la cuisine-salle à manger est un vrai lieu de vie
pour le couple. Les meubles hauts de la boîte centrale abritent tout
l’électroménager pour libérer un plan de travail épuré. Les
ouvertures zénithales existantes étaient une contrainte majeure du
projet : compte tenu du budget, il était nécessaire de conserver leurs
emplacements et donc d’ajuster le nouveau programme en fonction.
©️Romain Fabry
Depuis l’entrée, l’oeil file jusqu’en fond de parcelle. Bruts, les
matériaux dialoguent harmonieusement, entre la chaleur de
la pierre et la douceur du bois. Une association de tonalités
qui se prolonge avec le bardage extérieur badigeonné à la chaux.
La sélection de mobilier provient de la boutique bordelaise Persona
©️Romain Fabry
Prolongement naturel de la maison principale, la pièce modulable est
pensée dans la même philosophie que la maison principale. Grâce à
ses menuiseries en accordéon, elle s’ouvre entièrement sur la piscine
en béton enduit d’un ciment blanc adapté. Au vu des caractéristiques
de la parcelle, l’accessibilité chantier a été une autre grosse contrainte,
parfaitement contournée par l’architecte.