Dans un hameau de Charente-Maritime, sur un terrain à la vue imprenable sur l’estuaire de la Gironde, une transformation et extension de grange à l’échelle monumentale créent l’inattendu. Avec une économie de moyens qui met les matériaux bruts à l’honneur, Martin Migeon signe une réalisation qui génère des espaces variés tantôt intimes, tantôt ouverts sur le lointain.
À une trentaine de kilomètres au sud de Royan, le paysage côtier de l’estuaire de la Gironde se vallonne, se fait falaises de calcaire sur lesquelles tiennent à un fil des carrelets de pêcheurs. Entre prés et vignobles, la campagne de Chenac-Saint-Seurin-d’Uzet est agreste et parfois rude, battue par des vents forts et des pluies intenses. Un paysage aux multiples expressions attrayant pour ce couple à la recherche d’un bien où s’installer pour les vacances, pour du télétravail et plus tard pour la retraite. C’est dans un hameau à proximité du littoral, qu’ils finissent par trouver une grange en pierre faisant partie d’un corps de ferme divisé au fil des générations en différents lots. La vue sur l’estuaire depuis le terrain est imprenable, mais l’ancienne fonction agricole du bâtiment l’oriente vers la cour intérieure anciennement commune. L’état d’origine de la grange demande un peu d’imagination pour se voir y habiter un jour : le volume en pierre qui se développe sur deux niveaux et les constructions plus basses qui le prolongent directement offrent des espaces à transformer. En revanche, les agrandissements datant des années 1950 plaqués sur sa façade sont juste bons pour la démolition. Leur seul intérêt est de justifier l’emprise au sol de la nouvelle extension. « Le plan-masse reste le même qu’avant », précise Martin Migeon.
EN TOUTE DIDACTIQUE
C’est donc par soustraction que l’architecte va procéder pour répondre au double enjeu du projet, à savoir basculer l’orientation des ouvertures vers l’horizon dégagé et se protéger des intempéries. La création d’une extension de 40 mètres carrés accueillant la pièce de vie en lieu et place d’une construction de piètre qualité s’impose. À ce « premier geste » s’ajoute un second : la création d’un patio entre les pièces de vie de la grange en pierre et la chambre indépendante créée au sud, en supprimant simplement une partie de la toiture. Dans une économie de moyens, les matériaux restent bruts et il est facile d’identifier les ajouts, les retraits et les rénovations. Ce projet est « comme une maquette didactique sur la manière dont on peut lire cette construction, sur la façon dont la structure fonctionne, décrit l’architecte. Tous les éléments semblent posés comme ça. Il y a comme un dénuement constructif qui isole les éléments entre eux et permet de montrer l’hybridation des structures : murs en pierre pour la grange, en ossature bois pour l’extension, le portique en béton pour la grande baie vitrée, les colonnes pour donner de la hauteur à la terrasse couverte. C’est un assemblage, un collage, qui crée une certaine étrangeté ». Les murs de pierre d’une épaisseur de 50 centimètres ne sont pas aussi résistants qu’il n’y paraît. Aussi, chaque d’ouverture créée est soulignée par un épais cadre de béton. Esthétiques, ils offrent également un renforcement structurel. Le béton côtoie la pierre. Les enduits portent les traces du temps. L’acier galvanisé des toitures qui remplace les plaques de fibre-ciment fait écho aux volets coulissants réemployés. D’heureuses juxtapositions de matières, reflet d’une économie de moyens.
UN PORTIQUE DE TEMPLE
Pièce maîtresse de l’habitation, l’extension avait dans un premier temps été imaginée entièrement en béton. Pour des raisons de coûts annoncés, le choix s’est porté sur une structure mixte béton et bois. Côté route, le bardage extérieur est réalisé en bois. Côté estuaire, la baie vitrée s’étirant sur toute la largeur de la façade nécessitait la création d’un linteau de béton de grande portée. « Le bois aurait mal vieilli à cet endroit », constate Martin Migeon qui a eu l’audace de dessiner une colonnade de béton poli supportant le débord de toiture. « Elle a une échelle monumentale, presque disproportionnée par rapport à la taille de l’extension. Elle crée quelque chose d’un peu étrange parce qu’elle est inattendue, qu’elle dérange », poursuitil en reconnaissant « une fascination pour les colonnes ». Et l’on peut faire grand avec peu de moyens : les coffrages sont de
simples tubes en carton. Dans un hameau de Charente-Maritime, sur un terrain à la vue imprenable sur l’estuaire de la Gironde, une transformation et extension de grange à l’échelle monumentale créent l’inattendu. Avec une économie de moyens qui met les matériaux bruts à l’honneur, Martin Migeon signe une réalisation qui génère des espaces variés tantôt intimes, tantôt ouverts sur le lointain.
L’ancienne grange en pierre conserve son volume initial mais l’une des extensions est remplacée par une nouvelle structure mixte bois et béton qui permet d’ouvrir l’habitation sur l’estuaire de la Gironde. La colonnade supportant le débord de toiture lui donne un caractère monumental.
Sans transition, si ce n’est un épais cadre de béton, la nouvelle extension prolonge la grange d’origine. Cette pièce de vie principale faite d’une structure mixte bois et béton et d’un sol en béton ciré rassemble cuisine, séjour et poêle à bois face à un paysage dégagé.
La grange d’origine en pierre était constituée d’un volume principal et de deux extensions. La toiture de celle qui fut conservée a été en partie supprimée pour créer un patio planté, directement relié aux chambres. Abrité entre les constructions, il permet de profiter de l’extérieur si les vents sont trop forts.
« De multiples ouvertures permettent aux espaces extérieurs et intérieurs de s’entrelacer à travers une variété de parcours », décrit Martin Migeon. Elles sont aussi source de lumières, et donc d’ambiances diverses.