Peut-être connaissiez-vous déjà Claude Parent ? Pour ses recherches théoriques ou ses œuvres architecturales comme la fondation Avicenne, anciennement Maison de l’Iran à la Cité Universitaire Internationale de Paris, l’Église Sainte-Bernadette du Banlay à Nevers ou encore le centre commercial de Sens. Claude Parent a peu construit mais la plupart des Français a déjà vu au moins la silhouette de l’un de ses projets.
Car l’architecte, sorte de directeur artistique d’EDF, à partir de 1974, convainc ses dirigeants d’associer une forme architecturale inédite au nouveau mode de production d’énergie : le nucléaire. Il faudra de nombreux mois pour que sa solution soit écoutée, les ingénieurs de notre entreprise nationale ne percevant pas initialement l’intérêt de distinguer formellement une centrale thermique classique au charbon ou au fuel d’une centrale nucléaire. Puis le feu vert est donné à Parent qui va s’entourer d’architectes de premier ordre comme Paul Andreu, Jean Dubuisson, Pierre Dufau, Roger Taillibert ou Jean Willerval. Le modèle évoluera avec le temps, mais ses caractéristiques premières seront conservées.
Jusqu’à la fin du XXe siècle, les centrales nucléaires nous procurent de l’énergie électrique sans pollution apparente et suggèrent que la science est là pour nous faire entrer dans le monde du futur, un univers « doux », une société où la connaissance sert à vivre mieux. Leurs cheminées arrondies s’élèvent vers le ciel, rejettent de la vapeur d’eau en formant des nuages blancs… La courbe, pour paraphraser Niemeyer, évoque le corps de la femme, amante mais aussi mère. Quoi de plus rassurant ! Quoi de plus harmonieux ! Elles sont belles dans le paysage et elles vieillissent bien – au plan esthétique, cela s’entend, sur le reste, le lecteur en jugera. Aucun angle aigu n’est là pour avertir d’un danger potentiel. Chaque édifice incarne un monument repère : il semble indiquer la maîtrise de l’Homme sur son environnement.
Claude Parent a sans doute contribué à l’appréciation positive de ces centrales par la population française. Et si Three Mile Island, Tchernobyl ou les campagnes d’information d’associations comme Greenpeace ou sortir du nucléaire ont depuis révélé toutes les raisons de devenir nucléaro-sceptique ou réticent, cette industrie continue de bénéficier de la confiance d’une grande partie de nos concitoyens. Et, fait rare, il y a toutes les chances que l’architecture y soit pour beaucoup…