La culture de la résidence secondaire a profondément marqué l'Andalousie. Et très souvent pour le pire. Aussi, lorsque son père et ses oncles cultivateurs de fruits et légumes étendent le patrimoine de l'entreprise familiale avec l'achat de terres, Francisco Ortega Ruiz de FORarquitectura les convainc de réhabiliter la maison aux épais murs de pierre et d'argile blanchis à la chaux présente au beau milieu d'un des champs. Il se saisit de cette occasion de préserver le patrimoine bâti de la région et par là même, d' « exalter la valeur des constructions rurales qui, par le passé, prédominaient sur ce territoire ». Compte tenu de sa situation entre la rivière et le bord de mer accessible en 20 minutes à pied par les chemins, c'est la maison de vacances idéale, loin du béton du littoral mais pourtant « pas totalement déconnectée de la réalité ». « Cette zone n'est pas urbanisée car elle est classée zone archéologique phénicienne », précise Francisco Ruiz. Pour inspiration, il a en tête « l'habitation expérimentale du maître de l'architecture organique Alvar Aalto, la maison à Muuratsalo. Et à la fin du projet, j'ai décidé de visiter une autre œuvre à laquelle j'ai pensé pendant tout le processus de conception, le Cabanon de Le Corbusier à Roquebrune-Cap-Martin ».
SAUVETAGE EN PLAINE
Sans exigences particulières côté maîtrise d'œuvre, l'architecte a tout le loisir de composer le projet qui viendra pallier plusieurs défaillances : l'absence de sanitaires et de système de chauffage, un manque de ventilation, une mauvaise qualité de l'air intérieur en raison de remontées capillaires et une charpente affaiblie par les vers qui menace la sécurité des habitants. La maison est divisée en deux travées de surface égale, environ 35 mètres carrés, séparées par un épais mur de refend, typique des constructions andalouses.
« La rénovation respecte au millimètre près le volume et la forme de la maison d'origine », souligne l'architecte. Tout ce qui peut être conservé en l'état l'est, notamment la toiture en tuiles d'argile. Mais « si la toiture et la structure en bois existantes avaient été démolies, il y aurait eu le risque élevé d'effondrement des murs porteurs du contour ». L'architecte transforme cette menace en une mission complexe et place une substructure en poutres IPN qui double à l'identique la charpente existante. Au sol, les tomettes de terre cuite de l'une des travées restent en place.
D'AIR, DE CHAUX ET DE CÉRAMIQUE
« La seule intervention formelle sur l'extérieur est l'ouverture des deux baies vitrées du séjour qui favorisent l'entrée de la lumière et la ventilation naturelle. » Cette contribution à l'amélioration thermique de la maison complète les propriétés énergétiques des murs de pierre dont l'épaisseur de 50 centimètres rend inutile la pose d'un isolant. En revanche, dans le but d'améliorer la qualité de l'air intérieur, les murs sont recouverts de mortier de chaux écologique. Le principe de ventilation croisée et la céramique sur les murs jouent un rôle thermique en absorbant la chaleur, tout comme la boîte d'acier laquée noir qui encadre la baie vitrée et se prolonge sur l'extérieur, au sud, pour capter les calories hivernales.
« Partir de la simplicité et de la rareté des ressources pour générer un espace tourné vers son contexte. »
Côté matériaux, avec pour objectif de « partir de la simplicité et de la rareté des ressources pour générer un espace tourné vers son contexte », les espaces intérieurs sont minimalistes mais subtilement dessinés. En témoigne le calepinage des carreaux de terre cuite catalans de 14 par 28 centimètres qui compose « une tapisserie verticale », dont le rythme change dans la salle de bains où la dimension de 5 par 25 centimètres délimite le lavabo. « L'austérité primitive dans l'utilisation de matériaux traditionnels et à faible coût » est respectée. « Les architectes, grâce à leurs compétences, savent concevoir des espaces intimes qui nous aident à nous détendre, à nous reposer, à oublier les problèmes et à recharger notre énergie pour faire face à la vitesse à laquelle la vie avance. C'est pourquoi ce projet a été et reste si important pour moi » , confie-t-il.
Ce reportage est à retrouver dans notre numéro spécial À VIVRE#123!
architectes FORarquitectura
www.forarquitectura.com
localisation Vélez-Málaga, Espagne
date d'origine du bâti 1890
date de livraison 2021
durée des études 9 mois
durée des travaux 9 mois
surface environ 70 m²
coût des travaux 65 000 euros
matériaux utilisés pin naturel / carreaux catalans / mortier de chaux écologique / carreaux d'argile / acier / carreaux émaillés / zellige (habillage intérieur baignoire, lavabo, évier)
équipements fauteuils de chez Kave Home / tables de FORarquitectura / chaises chinées / lampe de table d'Isamu Noguchi