Installée dans la ville portuaire de Valence, à l’est de l’Espagne, Laura, infirmière, est à la recherche d’une opportunité immobilière lui permettant de se rapprocher de son lieu de travail, afin de limiter ses temps de transport quotidien. Lorsqu’elle fait l’acquisition de ce petit studio de 38 mètres carrés situé en rez-de-chaussée d’un immeuble de logement, à proximité de l’hôpital dans lequel elle exerce, elle contacte rapidement les architectes locaux du studio La Caseta, sur les recommandations d’une amie de la famille. L’appartement, resté dans son jus, ne nécessite pas de lourds travaux, mais plutôt une intervention concentrée sur des solutions minimales d’aménagement. Ouverte d’esprit, la propriétaire n’attend pas des concepteurs un agencement intérieur traditionnel et leur donne carte blanche pour transformer les lieux tout en mettant à profit la surface. Elle souhaite se projeter dans un environnement original, voire ludique, adapté à une personne seule ou en couple, qu’elle occupera jusqu’à ce que son foyer s’agrandisse.
LES PETITS PLATS DANS LES GRANDS
De cette surface habitable réduite se dégage un volume généreux, profitant d’une hauteur sous plafond de 4 mètres. Mono-orientée et peu lumineuse, la pièce, configurée en petit atelier de rue, impose à Alberto Facundo, architecte et ingénieur en charge des travaux, de porter une attention particulière aux problématiques de vis-à-vis et à l’agencement de l’espace de nuit. Si les enjeux sont multiples, les efforts architecturaux, eux, devront être maîtrisés pour respecter le budget très limité de la maître d’ouvrage. Trois principes guideront le projet tout du long : utiliser le volume dans sa hauteur pour dégager le plus d’espace possible au sol, composer les aménagements avec des éléments de récupération et concevoir des espaces polyvalents. En découle la réalisation d’une structure bois en plaquage stratifié de chêne clair. Cette boîte dans la boîte, conçue comme un meuble aux multiples usages, accueille en partie basse un espace mutualisé entre la salle d’eau et le dressing, ainsi qu’une chambre en mezzanine, à l’abri de la vue des passants.
MYSTÉRIEUSE ASCENSION
Alors qu’un agencement somme toute classique organise le salon, la salle à manger et la cuisine autour de la pièce opaque destinée aux soins intimes, l’accès à l’étage repose sur un système plus ludique où l’escalier métallique coulissant, pièce maîtresse du projet, dessert à la fois les placards hauts et le lit. L’icône bleue, récupérée d’un ancien chantier et sauvée de la décharge par les architectes, séduit par ses proportions parfaitement adaptées à la profondeur de l’espace disponible, et par sa légèreté. Si la hauteur du plancher sur lequel repose le lit fut naturellement déterminée par la dimension de l’échelle, le mécanisme de roulement permettant de la déplacer requit une mise en oeuvre plus complexe. Résultat d’un travail minutieux de serrurerie et de menuiserie, un joint creux au profil métallique en U se glisse entre les deux niveaux de placard, faisant office de rail pour le mouvement de l’échelle. « Des roues ont ensuite été placées à chaque extrémité des pieds et sont habilement dissimulés derrière les portes des armoires hautes. Avec ce système, la propriétaire peut tirer son escalier à l’aide d’un seul doigt ! », précise fièrement Alberto.
JEU DES QUATRE COULEURS
En référence au plateau coloré du Parcheesi – un jeu de société traditionnel indien, très populaire en Espagne –, l’équipe du studio La Caseta entreprend des compositions de matières et de couleurs vives, contrastant avec les éléments de construction bruts tels que la structure béton, le revêtement de sol minéral, le volume principal en chêne clair ou encore les menuiseries et la ferronnerie d’origine… « Nous avons appris à jouer avec l’espace et ses finitions. D’abord en imaginant des solutions polyvalentes nous permettant d’exploiter au mieux chaque recoin de l’habitation, puis en combinant les couleurs pour apporter de la vitalité au lieu », se remémore l’architecte. Ce projet, qu’il qualifie volontiers d’« amusant dans sa conception », incarne finalement le jeu, au sens propre comme au figuré.