Dans le comté de Telemark, au sud-est de la Norvège, un homme d'une trentaine d'années, propriétaire d'un grand domaine boisé, vit dans la ferme familiale. Ses terres renferment un lac de montagne, qui est devenu son lieu de retraite favori pour pêcher, camper ou se baigner. Or, depuis quelques années, la venue de promeneurs l'empêche de jouir de sa solitude : la loi norvégienne autorise pourtant tout un chacun à profiter librement de la nature et de ses fruits, sans avoir à s'inquiéter de l'accord du maître des lieux. Atout majeur pour les amateurs de randonnée, cette loi signifie néanmoins que le propriétaire du lac y rencontre souvent des inconnus. Désireux de retrouver la quiétude qui lui manque, le jeune homme fait appel aux architectes Mariana de Delás et Gartnerfuglen Arkitekter avec un souhait : concevoir un lieu de repli temporaire, une cabane de pêche et de méditation à l'état sauvage, la plus éloignée possible des hommes, de leurs parcours et de leurs bruits.
Malgré la distance qui sépare l'Espagne de la Norvège, où siègent leurs agences respectives, les architectes travaillent souvent ensemble. « Nos projets vont du dessin au chantier : pour nous, le travail manuel est un atout pour mieux appréhender les matériaux. » De concert avec leur client, ils retombent en enfance et imaginent un petit abri d'environ 3 mètres de côté, discrètement serti à fleur de rocher. Une jetée naturelle, formée par un éboulis, sert de point d'ancrage pour l'embarcation et de ponton, mais devient aussi le socle de la cabane. Entièrement réalisée en pin, la structure s'implante dans la roche grâce à un système de pilotis. L'isolation est élémentaire : des brindilles de bouleau assemblées sur une épaisseur de 20 centimètres permettent de garder une couche d'air isolante, même sous la neige, tout en contribuant à l'effet camouflage.
« Nous n'avons fait qu'imiter et apprendre de la nature » , insiste Mariana de Delás.
Dans l'entrée, lieu de l'activité, l'on peut se changer et ranger quelques affaires ; à travers la fenêtre, dont le cadre se fait tantôt table à manger, tantôt bureau, le lac se laisse contempler comme un tableau. Deux marches mènent à l'espace de repos ou de méditation, pouvant aisément accueillir deux personnes. Une atmosphère sacrée règne dans ce lieu que couronne un haut dôme orné d'une lucarne. Quand elle n'est pas habitée, la cabane, modestement, se fond dans son élément, offrant parfois ses branchages aux oiseaux de passage en quête d'un lieu de halte.