À l’origine de la commande, un jeune étudiant chinois installé à Paris pour écrire sa thèse. Féru d’histoire, il rêvait de dénicher un appartement de caractère dans le quartier du Marais. Il contacte alors l’agence Ubalt, de Nastasia Potel et Mylène Vasse, à la fois pour être accompagné dans ses recherches et, une fois son bien trouvé, réaliser le projet architectural. Après plusieurs visites, il découvre son bonheur rue Charlot, artère très prisée à deux pas du marché des Enfants-Rouges. Situé au quatrième et dernier étage d’un immeuble du XVIIe siècle, l’appartement de 36 mètres carrés, avec vue sur les toits de Paris, est très vétuste. Disposant de quatre fenêtres, il n’est contraint par aucun élément porteur, ce qui laisse toute liberté aux architectes pour intervenir.
Comme bien souvent dans les petites surfaces, l’enjeu principal consiste à maximiser l’agencement afin de différencier les espaces (chambre isolée, coin-repas, salon, bureau, cuisine et salle de douche) et de donner l’illusion d’une réalité augmentée. Le second objectif est ici de préserver le caractère ancien des lieux, notamment la charpente en bois, tout en affirmant une intervention très contemporaine. Conservées à leur place originelle, les pièces humides sont compactées et optimisées dans un bloc technique situé à droite de l’entrée, de manière à libérer au maximum le cœur de l’appartement. À l’autre extrémité, la chambre est définie par une cloison en accordéon, cisaillée en deux plans parallèles pour créer un accès intime et caché. Le dispositif ainsi mis en place démultiplie l’espace dans la longueur, jouant sur l’illusion de la profondeur. L’espace central est occupé par le séjour et le bureau. Dans une approche architecturale globale, Nastasia Potel et Mylène Vasse ont dessiné l’intégralité du mobilier et du cloisonnement sur mesure, convoquant des matériaux à forte identité.
Chaque meuble correspond à une fonction et vient se fixer sur les cloisons, créant une composition picturale que Ubalt cherche systématiquement à introduire dans ses projets.
Tout a été pensé afin qu’il n’y ait rien à ajouter, excepté un canapé et des chaises. Dans une ambiance volontairement monochrome, le choix des matériaux confère son caractère à cette petite habitation : plateaux de marbre, pieds habillés de miroirs teintés rose et jaune, cloison accordéon en bois assemblée latte par latte. L’appartement puise son atmosphère graphique et singulière dans un habile mélange oscillant entre le caractère brut de l’existant et la patte sophistiquée des architectes.
Trois questions à Nastasia Potel de Ubalt :
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Comment se sont déroulés les échanges avec le client ? Nous avons eu la chance de travailler avec un client assez facile, car très ouvert d’esprit. Nous lui avons proposé une esquisse, des croquis. Il a tout de suite adhéré et nous a suivies du début à la fin sur le projet. C’était très agréable de travailler de cette façon.
Cet appartement représente-t-il votre manière de travailler ? Complètement. C’est devenu notre carte de visite et d’autres clients nous ont depuis contactées pour travailler dans ce même esprit. Dans cet appartement, nous avons vraiment eu la possibilité de travailler les principes d’agencement et les matériaux que nous aimons. Il est assez pictural et cette dimension nous tient à cœur. Le projet a été pensé comme un tableau, comme des séquences d’images quel que soit le sens dans lequel on circule dans l’appartement. Nous essayons de développer au maximum cette démarche dans nos réalisations.
De quelle manière avez-vous procédé pour donner une sensation d’espace augmenté et son caractère singulier à ce petit appartement ? À l’image de la cloison en accordéon de la chambre, aucun des meubles ne monte jusqu’au plafond pour laisser filer visuellement les poutres. Au sol, la même continuité optique est favorisée grâce aux joints creux et aux piètements des meubles habillés de miroirs. Les éléments de rangement, tels que la penderie, les étagères, les meubles de cuisine et la bibliothèque, sont implantés dans l’axe de l’appartement, augmentant ainsi la sensation de longueur. A contrario, les postes où l’on séjourne (bureau, bar) sont implantés dans la transversale, perpendiculairement aux fenêtres. L’appartement a été intégralement repeint en blanc pour mettre en valeur la texture spécifique de chaque matériau : cloison bois en accordéon, mosaïque, marbre, laque dans le même camaïeu de blanc. Cette neutralité de teintes est tout juste perturbée par la lumière émanant des miroirs, ce qui permet un contraste subtil entre le neuf et l’ancien.
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► Article paru dans le Hors-série 34 spécial Créations françaises