Situé au rez-de-chaussée sur cour, dans un immeuble haussmannien, cet appartement inhabité depuis de longues années se trouvait dans un état de délaissement. Les propriétaires, tous deux la vingtaine et une passion commune pour l’art contemporain, sont les clients dont rêve tout architecte. Pleins d’envies, prêts à l’expérimentation, un œil de collectionneurs, ils sont parfaitement disposés à laisser de côté les modèles traditionnels pour un peu plus d’audace. Séduit par le travail du Studio Razavi repéré dans un magazine, le couple a, dès les premiers contacts, fait preuve d’une grande ouverture d’esprit qui s’est imposée par la suite comme le moteur du projet. Dans ce contexte favorable, Alireza Razavi a fondé son intervention sur un contraste très marqué qui s’attache à révéler les qualités de l’architecture haussmannienne. Dans un premier temps, l’appartement est libéré de tout cloisonnement superflu. Seuls sont conservés les éléments porteurs de la structure qui ne pouvaient être supprimés. Puis, pour répondre aux besoins exprimés par les clients, des îlots programmatiques s’immiscent dans les différents espaces, les coins et les recoins, définissant les pièces et intégrant toutes les fonctions domestiques : rangements, bibliothèque, salle de bains surplombée d’une chambre d’amis, double bureau, meuble de télévision, mais aussi les éléments de cuisine et même la niche du chien.
Le contraste assumé entre l’ancien et le neuf est accentué par le choix d’un matériau et d’une couleur uniques qui donne toute sa force à ce paysage construit.
Pour réaliser cette structure à un coût raisonnable dans un appartement à l’accès malcommode, l’architecte a sélectionné du Valchromat noir. Ces panneaux de fibres de bois présentent l’immense avantage d’être teintés dans la masse. Ils peuvent ainsi être découpés, travaillés in situ et revernis, ce qui garantit des finitions parfaites. Dans la cuisine, seule la crédence échappe à la règle. Elle est issue d’un assemblage de chutes de marbre récupérées dans une marbrerie au Portugal. Inexploitables et obtenues à un coût modique, elles étaient également aisées à transporter et à tailler sur place. Fort de cette nouvelle identité, le projet mené par Studio Razavi va bien plus loin qu’une simple rénovation. La perception de cet appartement au départ très classique se trouve profondément modifiée par une confrontation des époques où histoire des lieux et nouveau chapitre établissent une relation riche de surprises.
Trois questions à Alireza Razavi :
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Vous travaillez rarement sur des petites surfaces. Pourquoi avoir accepté cette commande ? Effectivement, mais ce projet avait quelque chose de très particulier. Nous ne connaissions pas les clients. Ils nous ont contactés car ils avaient aimé l’un de nos projets publié dans un magazine. Nous avons accepté après avoir été rapidement convaincus qu’il serait possible de leur proposer quelque chose de différent dans un espace somme toute classique. Tous les deux sont collectionneurs d’art contemporain et très surprenants pour leur jeune âge : ils avaient moins de 25 ans quand nous avons travaillé ensemble. Nous avons vite compris qu’ils avaient un œil et des envies. C’est sur cette base que la discussion a démarré.
Quelle fut votre approche architecturale du projet ?
L’idée n’était pas de casser les codes haussmanniens dans une démarche négative, mais au contraire de les mettre en valeur par un dispositif d’envahissement. L’allégorie du projet était une photo d’un chapelet d’îles aux Philippines où, entre mer et massifs rocheux, une certaine magie se met en place par le contraste des formes, dans une relation d’enrichissement mutuel. Les clients ont tout de suite été partants. Nous ne pouvions pas toucher aux éléments porteurs. Nous avons dû zigzaguer pour installer cette structure noire qui traverse l’appartement d’un bout à l’autre.
Pourquoi avoir opté pour un matériau unique ?
Pour la clarté du dessin et de l’intention architecturale, nous avons choisi de nous limiter à un seul matériau. Le Valchromat est à la fois économique et très intéressant. Teinté dans la masse, il s’est avéré parfaitement adapté à ce type d’intervention. Nous avons décliné toutes les fonctionnalités du projet avec ce même matériau, excepté dans la salle de bains et pour la crédence de la cuisine, car nous n’étions pas certains de sa durabilité en milieu humide. À chaque découpe, il est possible de soigner les arêtes, ce qui garantit une maîtrise d’exécution parfaite.
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► Article paru dans le Hors-série 34 spécial Créations françaises
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Studio Razavi Architecture
♦ localisation Paris (7e)
♦ livraison décembre 2015
♦ surface 80 m² SHON
♦ matériaux sol et mur céramique Mirage / mobilier et partition panneau de bois Valchromat
♦ équipements sanitaires Duravit, Jacob Delafon, Hansgrohe / luminaires Gregg de Foscarini et E27 de Muuto / chauffage LVI