À moins d'une heure trente d'Oslo, la côte sud de la Norvège offre un paysage rocailleux, à la végétation basse et dense. Durant la belle saison, son climat plutôt clément est très prisé des Norvégiens qui, depuis les années 1950, s'y sont fait construire des résidences secondaires, souvent situées sur des promontoires avec vue, fenêtres face à la mer et au vent. Un phénomène devenu endémique, que les autorités locales tentent aujourd'hui d'endiguer en mettant en place une réglementation drastique. Préservation du littoral oblige. C'est là, à Sandefjord, une ancienne station baleinière, qu'une famille possède une petite maison de vacances, mais en retrait de la côte et privée du rapport à la mer. Leur terrain, par contre, se termine sur les falaises, et pourrait accueillir un nouvel édifice mieux situé, où profiter de l'été en étant plus immergé dans le paysage naturel maritime. L'agence Lund Hagem arKitekter, reconnue pour avoir réalisé de très nombreux projets de maisons et cabines de vacances, est chargée de réfléchir à la question.
EMPREINTE MINIMUM
« Il est aujourd'hui interdit de construire des bâtiments privés sur le littoral norvégien, expliquent les architectes. Néanmoins, des permis peuvent être obtenus si les constructions en remplacent d'autres et/ou contribuent à l'amélioration paysagère de la côte. Ainsi dans ce genre de réalisations, nous partons toujours d'un existant et le projet est conçu pour être le moins visible possible depuis la mer, avec une emprise au sol minimum. »
Or, en contrebas de la propriété, sur une petite esplanade ménagée dans la roche à l'aplomb de la falaise et offrant de magnifiques points de vue, se trouvent deux vieux abris délabrés… dont l'un accueillait jusque-là des toilettes sèches. Un site tout trouvé pour la nouvelle cabane, annexe à la maison familiale où profiter des beaux jours, tout en étant protégé des éléments.
« En Norvège, le soleil et la chaleur d'été ne sont pas toujours à la hauteur de nos espérances… » , poursuivent les architectes.
Pour parer aux conditions climatiques - et parce que pouvoir vivre dehors après la longue nuit hivernale est essentiel pour les Scandinaves ⟩, plus que de privilégier de spectaculaires points de fuite, il s'agit donc de travailler avec la morphologie et l'orientation des lieux pour créer un espace extérieur des plus agréables. Traditionnellement, les maisons étaient construites dans des creux pour être naturellement à l'abri des éléments. Les concepteurs opèrent donc un retour aux sources, qu'ils réinterprètent de manière contemporaine. Et par chance, le svaberg - formation rocheuse lissée par le vent et le sel donnant son nom à ce type de site -, sur lequel prend place le projet, est naturellement protégé de la brise, car bordé par de larges blocs minéraux et une végétation dense.
EN IMMERSION
La topographie des lieux et l'étude de la course du soleil guident ainsi l'implantation et l'élaboration du plan. La cabane, minimale, est positionnée sur le terrain de manière à fermer le troisième côté de l'atrium naturel créé par la roche, faisant ainsi office de pare-vent. Sa transparence quasi-totale n'entrave cependant jamais la circulation de la lumière ni la vue. Un long banc en béton blanc se prolonge depuis l'extérieur vers l'intérieur, réparti autour de fonctions essentielles : une pièce à vivre ouverte et une petite salle de bains au rez-de-chaussée, un couchage suspendu en mezzanine et un toit-terrasse, accessible par le pan incliné, offrant un panorama à couper le souffle sur l'océan et la côte opposée. Pour mieux respecter le site (uniquement accessible par un chemin piétonnier étroit), la construction est légère et les fondations peu profondes : une dalle de béton au sol et une autre en couverture (dans laquelle est intégrée l'isolation), coulées sur place et fixées directement dans la roche avec de gros boulons, le tout refermé par des vitrages.
« Dans cet espace entre-deux, nous sommes au-dessus de l'océan et sous le vaste ciel. » - Lund Hagem arkitekter
Les finitions, soignées, sont elles aussi tout en retenue : matériaux laissés bruts, menuiseries en chêne non traité et mobilier minimum. L'environnement crée le décor, pour mieux dissoudre les limites entre le dedans et le dehors. Aux architectes, la conclusion : « Les éléments construits nous enveloppent, mais nous ancrent simultanément dans le paysage. Depuis là, dans cet espace entre-deux, nous sommes au-dessus de l'océan et sous le vaste ciel. » Le rêve, en somme.
⇒ Projet paru dans le Best Of Maisons & appartements disponible en ligne sur la boutique