Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 29/04/2022
À la fin de l'été 2020, après plusieurs mois de télétravail, Marie et Nicolas contactent l'Atelier Boteko. Le couple habite depuis quelques années dans un joli appartement de 60 mètres carrés au niveau des frondaisons des arbres du cimetière du Père Lachaise. À l'angle d'un immeuble de la fin du XIXe siècle, le trois-pièces est agencé selon son plan en étoile d'origine qui fait son charme mais pose aussi quelques difficultés. Le salon est très étroit et la chambre un peu trop grande et écrasée par un dressing ouvert.
Fidèles au nom de leur agence, qui caractérise en portugais un espace simple et convivial, Léa Casteigt et Alessandro Baiguera cherchent comment améliorer la configuration existante sans tout chambouler. « C'était un appartement dans lequel on se sentait bien, il ne fallait pas perdre cette atmosphère positive », racontent-ils. Travailler à partir des espaces déjà habités n'est pas forcément évident mais ils peuvent ainsi faire un relevé très précis de tous les meubles et objets de Marie et Nicolas. La cuisine, récemment refaite, et la seconde petite chambre, restent en dehors de leur périmètre d'intervention, notamment pour des questions de budget.
UNE VERRIÈRE DYNAMIQUE
Léa Casteigt et Alessandro Baiguera concentrent leur réflexion sur deux points. Tout d'abord, la création de rangements plus discrets et efficaces que les précédents. Ils dessinent pour cela une enfilade de placards quasi-invisibles et d'étagères qui longent le mur de l'entrée et se retournent dans la chambre. Ensuite, pour optimiser l'espace, ils suppriment la cloison entre le salon et la chambre et en redessinent une nouvelle en retrait. Cette séparation transparente en partie haute permet à Marie et Nicolas de profiter, dans une pièce comme dans l'autre, de la lumière des quatre fenêtres tout en préservant leur intimité. Mais plutôt que d'opter pour la verrière d'atelier revenue très à la mode ces dernières années, les architectes renouvellent la figure classique des larges portes vitrées qui divisent les séjours parisiens. « Pour que cette séparation ait du sens, elle devait assimiler la géométrie singulière de cet appartement. Quand nous avons compris qu'il fallait la traiter comme un paravent et non pas de manière rectiligne, nous nous sommes amusés ! » Si elle ne fait gagner que quelques centimètres au salon, cette cloison le transforme visuellement. Léa et Alessandro lui donnent une dynamique scrupuleusement liée aux différents axes qui traversent les lieux. Son tracé en zigzag comporte ainsi une ligne parallèle au mur de façade afin de disposer le lit face à la fenêtre. De part et d'autre, les triangles créés par les plis et replis accueillent tantôt des tables de nuit, tantôt un petit bureau en hêtre.
LÉGÈRETÉ IMMACULÉE
La phase la plus délicate du chantier réside dans le traçage au plafond du dessin de la cloison pour que tout rentre au millimètre près. Elle est composée de modules aux dimensions différentes mais qui, en perspective, créent l'illusion d'être les mêmes. Les architectes lui confèrent un côté un peu précieux en s'inspirant du rythme des carreaux des fenêtres et en imaginant des montants avec un joint creux qui apporte légèreté et élégance. « Nous faisons souvent un travail en bois qui tend à générer l'effet esthétique de l'acier sur mesure. Dans ce projet, après avoir imaginé laisser le paravent en bois apparent, nous avons décidé de le peindre en blanc pour jouer sur l'abstraction de cet élément. »
Au plafond, Léa Casteigt et Alessandro Baiguera conservent les moulures de l'ancienne cloison porteuse sous lesquelles ils glissent une poutre en acier. Les raccords impeccables et le look immaculé composent un ensemble harmonieux entre l'ancien et le contemporain. Rompu à l'exercice de l'aménagement d'appartements, aussi bien des Trente Glorieuses que du siècle précédent, l'Atelier Boteko parvient une fois encore à respecter les éléments cohérents et caractéristiques du patrimoine parisien.
Ce reportage est à retrouver dans notre numéro spécial À VIVRE#122 !