« Freespace célèbre la capacité de l'architecture à retrouver une générosité qui est inédite et inattendue dans chaque projet - même dans les conditions où les restrictions exigées relèvent des besoins d'intimité, de défense, d'exclusivité ou des limitations commerciales » , résument-elles.
Une prise de position consensuelle qui réserve néanmoins quelques belles surprises, à commencer par le Pavillon Français -ne boudons pas notre plaisir. Aux commandes, le collectif d'architectes Encore Heureux (Nicola De-lon, Julien Choppin et Sebastien Eymard) s'est lancé dans une difficile entreprise, celle de montrer ce qui ne se voit pas la volonté publique, le processus, l'énergie collective, la maturation, le temps.
Ils ont pour cela choisi dix lieux qui ont emprunté des chemins de traverse pour exister autrement. Des lieux porteurs d'espoirs à l'heure où l'architecture, corsetée dans les normes, menacée par des lois mortifères, peine à se renouveler. Du nouveau-né comme les Ateliers Médicis à Clichy-Montfermeil, au Centquatre à Paris aujourd'hui institutionnalisé après un accouchement dans la souffrance, en passant par le centre social et culturel Tri Postal en proie aux difficultés à Avignon, le panorama est suffisamment large pour faire sens. Mais c'est ailleurs qu'il faut chercher la force de la proposition curatoriale d'Encore Heureux.
Plus précisément au Lido où ils ont illustré par l'exemple ce qu'ils cherchent à transmettre dans l'espace contraint du Pavillon français. Durant les 6 mois de l'événement, ils investissent une caserne à l'abandon, laquelle est réactivée par une riche programmation culturelle et des hébergements temporaires.
Une manière de faire sortir la biennale de ses murs et de prendre position par l'action.
Récipiendaire du Lion d'or pour la meilleure participation nationale, le Pavillon Suisse a misé sur une installation très (trop ?) ludique qui questionne les problématiques d'échelle et de standardisation dans l'espace domestique. Poignée de portes à deux mètres de haut ou fenêtre au niveau des genoux, le projet Svizzera 240 : House Tour conçu par Pro Helvetia avec Alessandro Bosshard, Li Tavor, Matthew van der Ploeg et Ani Vihervaara nous embarque dans une balade du très grand au très petit, parfaitement calibrée pour les réseaux sociaux. Une mention spéciale a été attribuée au Pavillon Anglais emmené par Caruso St John et Marcus Taylor. Baptisée Island , leur proposition anti-Brexit a enthousiasmé autant qu'elle a pu être accusée de verser dans la facilité spectaculaire. Et pour cause, il n'y avait rien à voir dans ce pavillon entièrement vide, pris en étau dans un échafaudage menant à la terrasse installée en toiture pour l'occasion. Une posture à la marge pour dénoncer la position de la Grande-Bretagne face à l'Europe. La meilleure participation à l'exposition générale « Freespace » est revenue à Eduardo Souto de Moura qui, dans le bâtiment de la Corderie, a simplement juxtaposé deux photos : un avant/après de la transformation d'une ferme en hôtel qu'il a réalisée à Alentejo au Portugal. Une illustration limpide du thème proposé par Grafton Architects qui ne nécessitait ni explication supplémentaire, ni démonstration bavarde. Le Lion d'Argent du participant le plus prometteur a distingué les très talentueux Belges Jan de Vylder, Inge Vinck et Jo Taillieu qui ont convaincu avec l'installation Unless ever people -Caritas for freespace. Ils sont revenus pour l'occasion sur le travail remarquable mené au centre psychiatrique de Melle où ils ont imaginé un espace intérieur-extérieur pour les malades en lieu et place d'un bâtiment du XIXe siècle promis à la démolition. Le jury a souligné « un projet dans lequel lenteur et patience sont les moteurs d'une potentielle activation ».
C'est peut-être la morale de cette biennale où nombreux sont les exemples qui témoignent de la ténacité et de la volonté politique indissociables de tout projet architectural qui parvient à sortir des sentiers battus.
⇒ Actualité parue dans Architectures À Vivre 103 spécial petites surfaces
⇒ Lire l'article « Le pavillon français présente Lieux infinis de l'équipe Encore Heureux »