En septembre dernier, architecture, urbanisme et design se donnaient rendez-vous à Agora 2014. La biennale bordelaise questionnait cette année l’espace public, avec plus de 180 animations organisées au cœur de la capitale girondine. L’occasion de réinventer les débats sous une forme nouvelle ! Mis au point par les metteurs en scène Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil, le projet « Enquête / En Quête » clôturait six mois d’une étude sociologique par 24 heures d’échanges ininterrompus, articulés autour du thème des risques dans l’espace public. Durant un semestre, « Au pire, qu’est-ce qu’on risque ? », intitulé espiègle de la manifestation, invitait les internautes à s’exprimer sur les bonheurs et dangers en milieu urbain. Jusqu’à la fin de l’été, le site www.enquetebdx.fr récoltait ainsi quatre ou cinq réponses par jour au questionnaire mis en ligne, avec environ 500 participants au total. Pour celles et ceux qui n’étaient pas présents à Bordeaux et n’ont pu participer à la conclusion de l’aventure par une journée et une nuit de débats, de performances et de concerts en continu, un abécédaire est d’ores et déjà disponible. Ses 26 lettres renvoient à autant d’objets, de C pour « couteau à cran d’arrêt » à M pour « masque », emblème bien connu du mouvement Anonymous1. Jean-Philippe Clarac s’explique : « Les interrogations politiquement incorrectes comme “À poil dans l’espace public, qu’est-ce que tu risques ?” ou “Noctambules et sdf sont-ils des facteurs de risque ?” sont une façon de prendre le pouls de la ville, en douce, sans autocensure. » À la lecture, deux conclusions frappantes émergent : la privation de liberté dans l’espace public reste un sujet sensible et nos peurs sont « genrées » ! « En ville, les appréhensions ont un sexe : les hommes redoutent l’accident, quand les femmes craignent l’agression », précise le maître de cérémonie. Mais la lettre qui tirera un sourire à tous est sans conteste le L de « lama », emblème involontaire du rire urbain, en référence à la balade nocturne dans le tramway toulousain de Serge le lama, emprunté à un cirque par des jeunes fortement alcoolisés. « De façon générale, il est intéressant de voir à quel point, à travers l’urbanisme, nous posons des questions de société qui parlent à tous, quelle que soit la tranche d’âge », conclut Jean-Philippe Clarac. Et vous, dans la ville, que craignez-vous ?
1. Groupement hacktiviste, se manifestant notamment sur Internet, le plus souvent pour défendre la liberté d’expression.