À une centaine de kilomètres tout au nord de Melbourne, Nulla Vale et ses soixante-trois âmes est une minuscule communauté rurale étalée sur un vaste territoire. Des fermes et d'anciens logements de colons aux structures élémentaires tachettent un paysage fait d'affleurements de granit et de larges étendues d'herbe ; à l'horizon, seuls quelques arbres amènent un semblant de verticalité. Charmées par ce no man's land à la rudesse primitive mais aux couleurs ondoyantes, Louise et Michelle se rapprochent de l'agence MRTN pour y imaginer leur futur pied-à-terre. « Dans un contexte similaire, elles avaient particulièrement apprécié notre projet Trentham Long House : une maison de campagne qui, de loin, mimait une simple bâtisse agricole, en parfaite synergie avec son site, explique l'architecte Antony Martin. C'est ce rapport privilégié qu'elles aspiraient à retrouver dans leur projet. »
PASSAGE DE TÉMOINS
La première étape, décisive, est la sélection de la parcelle d'implantation. Six emplacements potentiels sont disponibles, et c'est accompagnées des architectes que les futures propriétaires valident finalement leur choix : un terrain de 120 hectares, « décor à la fois beau et dur, dont la présence presque dramatique et inquiétante est le résultat de millions d'années d'évolution géologique, puis de la surexploitation humaine », synthétise Antony Martin. Si la finalité pour Louise et Michelle sera bien de vivre ici à plein temps, elles désirent d'abord habiter « un simple abri » où passer leurs week-ends pour mieux apprivoiser ce temple rural si atypique. « Cette première étape leur était indispensable, poursuit l'architecte , une occasion unique de prendre conscience de la terre, de rentrer en connexion avec elle. C'est un projet sur le très long terme : elles souhaitent ici commencer le gardiennage du site pour les générations futures, et réparer les dégâts causés par le défrichement et le pâturage » . Afin d'héberger tout l'équipement nécessaire à cet entretien sacerdotal, la construction d'un hangar est également au programme, avec collecteurs d'eau de pluie et panneaux photovoltaïques, l'habitation se voulant d'évidence auto-suffisante. À partir de cette feuille de route, les architectes déclinent un récit conceptuel où les deux constructions seraient telles des roulottes impassibles, arrêtées temporairement sur le site pour profiter de la vue. Un synopsis qui veut sublimer l'imagerie de la halte, du passage, de la transmission, et qui détermine la forme, l'orientation ainsi que les matériaux du projet. Tout le challenge alors est d'imaginer cette première habitation en anticipant, sans pour autant la prédéterminer, la maison « finale ».
OUBLIER LES MURS
Si, de loin, les silhouettes du hangar et de la maison semblent identiques en imitant celles des bâtiments agricoles alentour, de plus près les structures et matériaux distinguent les deux fonctions. Ainsi le hangar est entièrement revêtu de tôle galvanisée ondulée, dont l'inclinaison en toiture est calculée pour maximiser l'exposition solaire au fil des saisons. La maison arbore cette même toiture métallique mais privilégie en façade la brique et la tôle ondulée recyclées. À l'intérieur, les modulations de la brique laissée apparente entrent en résonance avec la chaleur des différentes essences locales de bois. « Les matériaux et leur mise en œuvre renvoient à l'effigie d'un vieux hangar réhabilité, comme voulu par les clientes, éclaire Antony Martin. Dans ce même esprit, les finitions intérieurs et extérieures sont identiques, sans plaque de plâtre ou peinture. » Modeste et radical, cet abri intemporel offre le strict nécessaire pour manger, dormir et se laver, dans un espace ascétique « prévu plus pour la jouissance du terrain que pour le confort des habitants ». Tout est pensé pour que l'esprit se focalise ailleurs et ne fasse plus qu'un avec le paysage, les nombreuses ouvertures projetant la vue le plus loin possible, comme pour mieux faire oublier les murs.
« C'est un décor à la fois beau et dur, dont la présence presque dramatique et inquiétante est le résultat de millions d'années d'évolution géologique, puis de la surexploitation humaine. » - Antony Martin, architecte
La future extension est déjà pensée dans cette même ambition de symbiose. Accompagnés de Louise et Michelle, les architectes de MRTN ont ainsi développé dès le départ six différentes approches possibles pour articuler la première intervention dans ce qui sera leur maison « finale ». Autant d'options en suspens pour continuer d'abriter la mission de ces gardiennes du temple.
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FICHE TECHNIQUE
♦ architectes MRTN Architects
mrtn.com.au
♦ localisation Nulla Vale, Victoria, Australie
♦ livraison 2019
♦ études 6 mois
♦ travaux 6 mois
♦ surface maison 50 m²
♦ coût des travaux 250 000 euros
♦ matériaux brique recyclée (structure maison) / chêne de Tasmanie (charpente maison) / tôle ondulée recyclée et frêne Silvertop (façade maison) / tôle galvanisée ondulée (toiture maison et enveloppe hangar) / eucalyptus Blackbutt (mobilier intérieur) / faïence Cafe Grind Matt de chez National Tiles (revêtement mural salle d'eau)
♦ équipements collecteurs d'eau de pluie / panneaux photovoltaïques de chez Offgrid Energy / poêle de chez Nectre / poignées de portes Zola de chez Designer Doorware / table à manger Asymmetry de Ross Gardam / chaises No.811 Hoffman de chez Thonet / bandeaux LED de chez Light Project