Quand en 2010, Gwendolyn Huisman et Marijn Boterman découvrent cette minuscule parcelle nue située au nord du centre de Rotterdam, encadrée par deux pignons aveugles, son potentiel constructif n'est a priori pas évident. Séduits, les deux architectes y voient l'opportunité de vivre différemment, ce qui sied particulièrement au couple, animé par l'envie de repenser les modèles d'habitat urbain. Patience et ténacité furent nécessaires pour voir leur rêve prendre forme. En 2012, il fallut convaincre la municipalité, propriétaire, de vendre le terrain. Les travaux de gros œuvre démarrent un an et demi plus tard. Après seulement 4 mois, l'entreprise livre une ossature de béton brut coulé en place où tout reste à faire. Gwendolyn Huisman et Marijn Boterman réalisent eux-mêmes l'aménagement intérieur et les finitions avant de poser enfin leurs valises en 2017. Au-delà de leur intérêt personnel, le tandem souhaite encourager les initiatives similaires avec ce projet aux accents manifestes : « Chaque ville a négligé des espaces comme celui-ci : inutiliséset sous-exploités , résument-ils. Ces vides peuvent pourtant être valorisés afin de compléter le tissu urbain, de le stimuler et d'offrir aux plus aventuriers, des possibilités de nouvelles formes de vie urbaine ». Et de construire là où on ne s'y attend pas. Car rien ne prédestinait ce site à accueillir la maison du jeune couple. En cause ? Ses dimensions contraignantes.
L'ÉTROITESSE DONNE LE TEMPO
C'était sans compter sur l'imagination du couple pour qui, vivre dans 3,40 mètres de large sur 20 mètres de profondeur est non seulement envisageable mais source d'inventivité architecturale. Cette étroitesse va ainsi donner le tempo : un loft vertical et ouvert où les pièces n'ont d'autre choix que de s'empiler sans pour autant céder au cloisonnement. Les proportions du terrain exigeaient d'importantes fondations et une structure adaptée. Deux dalles en béton armé se glissent entre les pignons de façon à libérer les façades de contraintes porteuses. Entièrement traversant, l'habitation est organisée sur trois niveaux et 135 mètres carrés. En fond de parcelle, un jardin de 7 mètres de profondeur est né des règles d'urbanisme qui imposaient l'alignement sur les édifices voisins. Le rez-de-chaussée accueille une entrée spacieuse et une cuisine-salle à manger ouverte. Au premier étage se trouvent le salon et la bibliothèque tandis que le deuxième est réservé à la partie la plus privative de la maison : les chambres et la salle de bains. « Les concepts architecturaux que nous avons mis en place soulignent une division naturelle des espaces de vie qui fusionnent sans frontières strictes, et sont toujours connectés horizontalement et verticalement », expliquent les architectes. Ainsi, aucune porte ne vient troubler la fluidité recherchée. Au cœur du bâtiment se trouvent l'escalier et deux noyaux servants. Habillés de contreplaqué de pin, ils contiennent de bas en haut, cuisine, rangements et salle de bains. Ils sont volontairement détachés des pignons afin que les 13 mètres de profondeur de la maison ne soient jamais interrompus, offrant ainsi des perspectives inattendues. Les matériaux simples et économiques sont privilégiés. Les sous-faces des plafonds sont laissées brutes afin de rendre compte du mode constructif. Les sols sont revêtus d'une résine époxy claire. « Les taches de rouille sur le plafond en béton sont un souvenir de la saison humide à laquelle les dalles ont été coulées », sourit le couple.
UNE HABITATION SUR MESURE
Si elle peut sembler quelque peu énigmatique aux yeux des passants, cette maison entretient le dialogue avec son environnement. Au sud, la façade principale convoque la brique brune, un matériau présent dans le quartier. Sur le principe du moucharabieh, elle préserve l'intimité des occupants ou offre des cadrages urbains toute hauteur grâce des fenêtres-caissons en saillie. Dans la bibliothèque, l'allège épaisse permet de s'asseoir en proue sur la rue et d'observer les passants. Au nord, les deux premiers niveaux sont quant à eux entièrement vitrés, le rez-de-chaussée ouvrant pleinement sur le jardin par une double porte en accordéon. La mise en œuvre de la brique alterne ici les sens de pose, créant du relief. Si le couple n'a pas compté son temps pour voir aboutir le projet, aucun regret cependant : « Nous aimons vraiment cet endroit, c'est comme vivre dans notre propre tête… d'une manière positive ! Nous aimons la sensation d'espace malgré les dimensions modestes, l'atmosphère des différentes pièces, les matériaux bruts. Notre maison ressemble à un costume sur mesure » .
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Gwendolyn Huisman et Marijn Boterman
skinnyscar.wordpress.com
♦ localisation Rotterdam (Pays-Bas)
♦ livraison 2017
♦ études 30 mois
♦ travaux 4 mois
♦ surface 135 m²
♦ coût des travaux 225 000 euros
♦ matériaux béton (fondations) / brique brune (façade) / aluminium (menuiseries) / contreplaqué de pin (escaliers, aménagements intérieur) / résine époxy (sols)
♦ fournitures cuisine Ikea / luminaires Modular / mobiliers vintage Gispen