Dans la ville de Reims, quelque part au cœur d'un quartier difficilement identifiable tant il accumule des typologies de bâti hétéroclites, un couple a récemment fait l'acquisition d'un terrain pour s'y installer avec leurs deux enfants. Comme beaucoup de Rémois, ils ont d'abord envisagé d'acheter un hangar en vue d'une réhabilitation en loft, avant de se heurter à un obstacle de taille : le prix. La cité des Sacres, célèbre pour la richesse de son patrimoine historique, l'est également pour sa fructueuse production de champagne. Si les terres agricoles qui cernent la ville n'en sont que plus précieuses - empêchant, de fait, la zone urbaine de s'étendre davantage -, elles font par conséquent augmenter le coût des biens immobiliers, même ceux non-habitables. Acheter un hangar vide ne s'avère donc pas rentable pour les futurs propriétaires… Qu'à cela ne tienne, ils investiront dans une parcelle en angle inscrite à l'intersection de deux rues. Une fausse place ouverte sur le quartier qui se définit comme un vide urbain résultant de l'implantation des constructions mitoyennes. Sur un sol doté d'une faible capacité de portance, l'habitation qu'ils souhaitent originale et radicale devra accueillir des surfaces de réception généreuses, sans empiéter sur l'espace de vie des enfants. Après avoir essuyé moult refus de la part de différents architectes face à la complexité de leur demande -à laquelle s'ajoute un budget limité à 1 100 euros par mètre carré habitable -, ils contactent l'Atelier Cadet Architecte sur la recommandation d'amis, également anciens clients de cette agence d'architecture locale, adepte des challenges.
HISTOIRE DE CONFIANCE
Dès sa première rencontre avec les propriétaires, l'architecte Gaëtan Cadet leur explique sans mal que pour réaliser la maison à laquelle ils aspirent avec les moyens dont ils disposent, il sera nécessaire de favoriser des matériaux qui synthétisent les aspects à la fois constructifs et esthétiques.
« Je pressentais qu'ils avaient cette capacité d'accepter du radical, du brut, ce qui était le seul moyen de répondre à leur demande », précise-t-il.
Tout en s'appuyant sur leur première intuition -celle d'habiter un lieu au caractère industriel -, ils engagent ensemble un processus de création fondé sur le dialogue et la confiance. En résulte un travail fluide et efficace : les maîtres d'ouvrage validaient ou avançaient des idées, quand le maître d'œuvre usait de toute l'ingéniosité nécessaire pour les matérialiser à moindres coûts. « Ils ne s'inquiétaient pas de la forme qu'allaient prendre les décisions. Nous avons pu aller loin, choisir de laisser les choses apparentes. Quand j'ai proposé, par exemple, de doubler les parois des chambres, eux ont préféré laisser les panneaux visibles », poursuit l'architecte.
RÉPONSE RATIONELLE
Pour répondre aux problématiques premières de portance du sol -également soumis aux vibrations générées par le pas sage des trains à proximité -, l'architecte décide de construire l'habitation sur pieux vissés. Ce choix de fondations est adapté au terrain du fait de la résistance et du poids propre de l'acier. En se référant au plan local d'urbanisme, il était imposé de conserver une petite partie de l'existant au nord du terrain, ainsi que de construire jusqu'en limite de parcelle. Ces indications ont naturellement guidé le projet vers une implantation mono-orientée et ouverte sur son jardin au sud. Quant à l'homogénéisation des deux constructions -existante et neuve -, une enveloppe unique se déploie en façade sur l'ensemble de l'étage : des panneaux sandwich au revêtement extérieur métallique, éléments symbolisant la volonté de rationalisation exprimée tout au long du projet, qui contrastent avec les murs de béton banché coulés en rez-de-chaussée.
RÉALITÉ AUGMENTÉE
Dans ce travail de greffe sur l'existant, le traitement de la toiture établit un lien cohérent avec la construction neuve. La tôle pliée qui s'adapte aux différents gabarits et intensifie le volume intérieur, repose sur la structure qui, de par sa matérialité, assure une liberté dans les portées et, par conséquent, une liberté dans l'organisation des espaces. En effet depuis la grande pièce centrale totalement orientée vers le jardin, la famille peut profiter simultanément de la cuisine ouverte sur le salon ainsi que de la salle de jeux/bureau. Dotée d'une cloison amovible, cette pièce aux multiples fonctions peut se transformer en espace autonome lors des réceptions. Les chambres installées à l'étage sont en revanche réparties sur deux espaces de nuit bien distincts, ouverts en façade pour une vue dégagée sur les arbres du quartier, ou bénéficiant d'un dispositif en double jour pour un ensoleillement direct depuis le séjour. Qu'importe la pièce dans laquelle se trouvent les propriétaires, ils profitent continuellement de la vue sur leur jardin…