Un petit coin d'Italie en pleine banlieue parisienne, un micro-village dans la ville… Plus qu'une habitation, c'est tout un imaginaire issu de leurs voyages sur les côtes méditerranéennes, constitué de placettes, d'escaliers escarpés et de vues plongeantes que les architectes Manuèle van der Hoeven et Frédéric Mouly de l'agence MOVA ont souhaité recréer dans leur propre maison. La genèse de ce microcosme remonte à quelques années, alors que Manuèle, Frédéric et leurs deux filles recherchent, avec un couple d'amis, un terrain à partager de manière à diminuer le coût de l'investissement. Après plusieurs mois de prospection, ils dénichent enfin la perle rare : une parcelle montreuilloise, insérée entre la rue et un cœur d'îlot boisé, suffisamment vaste pour faire l'objet d'une division cadastrale et sur laquelle est déjà bâtie une première maison. C'est ainsi que le duo d'architectes hérite d'un terrain triangulaire et pentu de 140 mètres carrés, accessible directement depuis la chaussée : le point de départ de 8 mois d'études, et tout autant de chantier.
ARCHITECTURE BIENVEILLANTE
Habitués à construire en milieu dense, les concepteurs ont appris à jouer avec les contraintes imposées par les petites surfaces, les plans locaux d'urbanisme et les prospects. « Nous aimons travailler dans des contextes difficiles, explique Frédéric Mouly. Faire en sorte que les inconvénients deviennent des avantages et vice versa ; c'est ce qui nous motive le plus. Ici, nous avons donc cherché à être le plus compact possible, pour plusieurs raisons : afin de respecter les réglementations en vigueur bien sûr, pour conserver un jardin de taille respectable, mais aussi pour préserver la vue sur l'îlot boisé depuis la rue. » C'est de ce désir de discrétion, couplé à un programme relativement ambitieux -comprenant trois chambres, deux salles de bains, un studio indépendant pour accueillir amis ou grands-parents, ainsi qu'un patio à tout prix ! -que découle la forme de la maison : un monolithe élancé dont le plan pentagonal de 40 mètres carrés n'empiète finalement que sur un petit tiers du terrain. De manière à limiter les vis-à-vis, la façade septentrionale, côté rue, est très peu ouverte, tandis que « la hauteur de gouttière est calée sur celle de la propriété en face -au niveau du R+1 -pour se calquer sur l'échelle des constructions voisines », détaille Manuèle van der Hoeven. Par conséquent, le dernier niveau, sous le toit en pente, est en retrait : il s'agit de reculer pour mieux s'élever. Seule fantaisie : les matériaux - enduit blanc, bardage bois constitué de tasseaux verticaux et zinc -dont le calepinage permet de singulariser l'enveloppe sans pour autant heurter l'environnement bâti.
DÉDALE ITALIEN
Cette enveloppe dessinée, il ne restait plus au duo qu'à trouver comment occuper les volumes. « Une fois que nous avions imaginé cette coquille, comme une tente, ou plutôt une vaste grotte, nous nous sommes demandés comment l'investir, raconte Frédéric Mouly. Alors, là encore, nous avons choisi la complexité, car nous ne voulions pas d'un intérieur standard. » Inspirés par la déclivité du terrain, leurs voyages sur la côte am al fit aine et les îles grecques et l'envie, prégnante, d'expérimenter le concept de demi-niveaux, ils élaborent un système de plates-formes reliées par des escaliers pour répartir l'ensemble du programme sur toute la hauteur de la bâtisse. Partout, des vides, des doubles hauteurs, des marches distinguent et rattachent en même temps les différentes pièces sans jamais cloisonner, dans un foisonnement qui n'aurait certainement pas déplu à l'artiste néerlandais M. C. Escher. « Comme aucun espace n'est isolé, nous sommes en contact permanent dans la maison. Si quelqu'un fait du bruit en bas dans la cuisine, impossible de ne pas l'entendre, même depuis les chambres en haut », s'amuse le couple pour qui la notion d'espace prévaut sur celle de surface.
COMPLEXITÉ CALCULÉE
Si, comme dans les villes italiennes, cette topographie peut sembler a priori désorganisée, elle n'en demeure pas moins savamment étudiée. En témoigne notamment le travail accompli sur les ouvertures, et par extension sur le cadrage des vues et la circulation de la lumière. Ainsi, le patio tant désiré, une faille aménagée dans l'angle nord-est, illumine les deux salles de bains attenantes, quand les fenêtres, en apparence percées de façon aléatoire, constituent en fait autant de tableaux surprenants donnant sur le paysage environnant. Et à ceux qui verraient dans ces aménagements une forme de gratuité, voire de radicalisme, Manuèle et Frédéric répondent par les performances énergétiques qu'engendre une telle architecture : « Outre que la maison respecte la réglementation RT 2012, elle est aussi frugale. Ainsi, la superstructure est en mono murs de terre cuite, un matériau perspirant. Couplé à la porosité de la façade sud et des volumes intérieurs, ce dispositif confère à la construction une grande inertie, si bien qu'un seul poêle et trois petits radiateurs électriques en complément suffisent à nous chauffer quand vient l'hiver. » La dolce vit a à l'heure montreuilloise, en somme.
|
PROJET LAURÉAT DU PRIX DU JURY DES JOURNÉES D'ARCHITECTURES `À VIVRE 2019
- MENTION MAISON NEUVE
|