Perdu. C’est le sentiment éprouvé en arrivant dans l’île de Kylaniemi, pourtant à seulement 250 kilomètres d’Helsinki, au sud-est de la Finlande. Aux portes de la Russie, elle fait partie d’un archipel boisé autour duquel s’enroulent les 4 400 kilomètres carrés de labyrinthe d’eau douce. C’est ici, à l’orée de la pinède et face à une grande étendue d’eau que se trouve la « villa Riviera ». Il faut emprunter un ferry pour aborder ce site à l’allure de bout du monde, péninsule étroite coupé en deux par le lac Saimaa.
Prélude
Respectant la tradition finlandaise, c’est au milieu des vapeurs de sauna que Viejo Hytti, le propriétaire et vendeur du terrain, retrouve l’architecte Olavi Koponen. Viejo connait ses réalisations et souhaite le mettre en contact avec ses acheteurs – Pirjo et Ilpo Karhu – pour la conception de leur maison de vacances au programme plutôt classique : grandes pièces de vie, sauna, six ou sept lits pour accueillir famille et amis. Leur demande principale : « Nous attendons quelque chose de spécial pour ce site incroyable. » Séduit par le défi et conforté par sa première rencontre avec le couple de sexagénaire, Olavi accepte l’aventure. « Les clients ne peuvent en général pas appréhender toute la complexité d’un projet, explique-t’il. C’est donc essentiel qu’ils aient confiance en leur maître d’œuvre, surtout quand ils investissent beaucoup d’argent. » Cet impératif est d’autant plus important que Pirjo et IIpo signent leur première expérience avec un architecte. C’est muni d’une maquette et à l’ombre des pins du site, qu’Olavi explique à Pirjo son idée : « Le projet se résume à une grande toiture abritant deux volumes posés sur une vaste terrasse. » L’échange est rapide et fructueux car après seulement deux entrevues, la maison trouve son apparence définitive.
Apologie du désordre
L’apparente simplicité du concept cache une mise en œuvre bien plus complexe. La grande toiture protectrice, composée de trois pans de faible pente, est percée de quatre verrières généreuses. Protégé par cette couverture en bois, un patio central et traversant accueille un salon d’extérieur et sépare la maison en deux volumes distincts. Le plus grand abrite les espaces de vie et les trois lits doubles répartis dans deux chambres ; le plus petit est partagé entre sauna, salle de bains et buanderie en rez-de-chaussée et chambre parentale à l’étage. La terrasse, posée sur des pilotis, est un socle en bois sur lequel alternent carrés de jardins et aires de détente extérieures. « Je superpose des couches différentes. Je navigue ensuite entre l’ordre et le désordre, à la limite de l’explosion totale tout en gardant une cohérence structurelle. » Olavi raconte ainsi comment il génère ces espaces intermédiaires, en harmonie avec leur contexte.
Plein de vide
La construction, commencée en novembre 2010, est arrêtée par la rudesse de l’hiver. Les fondations attendront mai 2011 pour accueillir la structure principale composée de poteaux en lamellé-collé et de poutre en Kerto® – produit formé de placages d’épicéa obtenus par déroulage, assemblés puis collés à chaud sous haute pression. « J’avais promis à Pirjo et Ilpo de faire appel aux charpentiers que je connaissais et en qui j’ai entièrement confiance. Sans eux, le projet aurait été une catastrophe. » En effet, les deux artisans, aidés d’un ouvrier, installent au millimètre la toiture à trois pentes : quatre poutres principales – en métal – soutenues par des poteaux verticaux ou en V sur la trame centrale, portent la complexe charpente en bois. Cet élément protecteur est bien apprécié pour la suite du chantier qui s’achève six mois plus tard. Si d’avis de finnois, le temps est adouci par la proximité du lac, il n’en reste pas moins des variables de température allant de - 30°C à + 35°C ! Isolée par de la laine de verre, parée de triple vitrage à remplissage argon, la maison offre une température intérieure stabilisée à 21-22°C toute l’année. Ce qui n’empêche pas les propriétaires d’apprécier le coin cheminée circulaire à double foyer situé en extérieur et seulement abrité par la verrière en toiture.
L’architecte a choisi de construire en bois autant pour la durabilité du matériau, pour son odeur que pour sa couleur qui se fond totalement dans la pinède. Ici plus qu’ailleurs, exhiber sa maison au bord du lac est considéré comme d’une grande vulgarité. Voir sans être vu, le filtre de pins permet aux multiples navigateurs fluviaux de profiter d’un paysage à la beauté lacustre encore préservée.