Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 06/02/2014
Agathe a passé son enfance à Seclin, dans le quartier de Burgault, construit au début du xxe siècle autour d’une sucrerie et d’une fabrique de carton. Avec son mari Alexandre, ils demandent à la femme d’un ami, Emmanuelle Weiss, architecte basée à Wasquehal, d’agrandir leur maison des années 1930. Très cloisonnée, avec un séjour sombre et une cuisine trop petite pour cinq personnes, elle n’offre plus beaucoup de marges de manœuvre. « On a laissé la créativité d’Emmanuelle s’exprimer », raconte le couple. Elle leur propose de tirer parti du potentiel du terrain très large et de placer l’extension le long de la rue et non à l’arrière de la parcelle comme ils l’avaient envisagé. Une solution qui facilitera l’accès au chantier et son bon déroulement en site occupé, sans déranger la vie de la famille.
Front de rue
L’implantation de l’extension permet de densifier le front de rue décousu en occupant toute la largeur de la parcelle. Pour l’intégrer harmonieusement dans le contexte urbain, l’architecte décide de travailler sur deux niveaux, une partie basse et plate prenant ensuite de la hauteur. Ce volume instaure ainsi un dialogue en miroir avec la maison de 1930. « La forme en papillon de la toiture est une manière de détourner les toits en pente en inversant l’inclinaison habituelle tout en respectant le gabarit du plan local d’urbanisme », détaille-t-elle. Le choix de la brique s’impose rapidement : un matériau qui évoque les demeures alentour et résiste bien dans le temps. Pour donner un visage contemporain aux façades, Emmanuelle Weiss choisit la Zero® de Vandersanden, conçue pour être posée sans joint, qu’elle sélectionne dans une teinte anthracite qui varie subtilement avec la lumière. Les briques sont placées sur « un mur creux et épais, dit à la Belge » qui comporte une maçonnerie intérieure – du béton structurel ou des parpaings isolants creux en terre cuite – un vide ventilé et une isolation par l’extérieur. Seclin comptant très peu de maisons contemporaines, elle décide de présenter en personne son projet et obtient le permis de construire sans aucune restriction.
Panorama sur le jardin
L’architecte décale la porte principale pour recentrer la composition et imagine un patio en guise de hall extérieur et de filtre avec la ville. « L’organisation spatiale et fonctionnelle de l’extension répond à celle de la maison ancienne. Elle reprend ses proportions dans la répartition des pièces et des circulations verticales, tout en ouvrant et en dilatant les espaces verticalement et horizontalement », explique Emmanuelle Weiss.
Réalisée le plus tard possible pour préserver la tranquillité de la famille, la liaison entre les deux entités s’effectue par un passage vitré entre deux patios dont les angles pénètrent dans l’habitation. « Par ces vides, j’ai voulu révéler la confrontation du neuf et de l’ancien et créer des perspectives en diagonale entre côté urbain et jardin. » L’ancienne maison est désormais le domaine des enfants et abrite également le bureau d’Alexandre. Au niveau bas de l’extension, le salon, la salle à manger et la cuisine s’articulent d’un seul tenant. Deux cloisons coulissantes permettent de maintenir la température du séjour en l’isolant des courants d’air de l’entrée ou de dissimuler la cuisine lorsque le couple reçoit. L’ensemble ouvre entièrement sur le jardin orienté à l’ouest, ce que les propriétaires apprécient : « Nous ne ressentons plus l’oppression des immeubles de la rue qui plongeaient sur le terrain. Cette disposition nous a redonné la jouissance du jardin. Et le soir, depuis le canapé, on voit les avions qui atterrissent sans la nuisance sonore. »
Origami lumineux
Emmanuelle Weiss travaille principalement en maquette, ce qui l’aide à appréhender concrètement la complexité des lieux. Grâce à des percées au niveau supérieur, elle crée des effets de volume sur la partie basse, tantôt comprimée sous la dalle, tantôt prenant de la hauteur. À l’étage de l’extension, la chambre des parents, le dressing et la salle de bains se glissent dans l’espace irrégulier défini par la toiture. Avant tout, l’architecte maîtrise la diffusion de la lumière naturelle, qu’elle soit directe ou réfléchie. « Dans la poétique de la sculpture du volume, j’ai imaginé des canons à lumière, souvent utilisés dans les musées, comme un clin d’œil au goût d’Agathe et Alexandre pour les tableaux contemporains. » Ainsi, une lumière douce descend sur le mur blanc de la salle à manger. En plus de l’immense baie et des patios, deux grandes fenêtres placées sur la rue et sur la façade latérale convoient les rayons du soleil ou offrent une échappée sur le ciel, sans dévoiler en rien l’intimité des habitants. La majorité de ces nombreuses surfaces vitrées sont fixes, ce qui permet d’en réduire le coût et de limiter les déperditions énergétiques. Alexandre adore : « Tout en étant en pleine ville, il y a une fenêtre pour chaque heure de la journée. »
Emmanuelle Weiss a reçu pour cette réalisation le prix « Architecture Aluminium Technal 2013 » dans la catégorie « Habiter logement individuel ».