Des forages de deux fois la hauteur de la tour Eiffel, 40 millions de tonnes de terre excavées, le transit de soixante-quinze semi-remorques par jour pendant quinze ans : le chantier du Grand Paris Express, le futur super réseau de transport public francilien, pose problème.
Que faire en effet de l’immense quantité de déblais, complexes à déplacer et à stocker, auxquels s’ajoutent par ailleurs les quelques dizaines de millions de tonnes extraites chaque année des chantiers d’Île-de-France ? Et pourquoi ne pas transformer ces déchets en ressource ? Telle est la piste abordée par le Pavillon de l’Arsenal, qui, jusqu’au 8 janvier 2017, explore les possibilités de cette matière inexploitée… jusqu’à poser la première pierre d’une filière encore à ses balbutiements. En compagnie des architectes Paul-Emmanuel Loiret et Serge Joly, de l’atelier matières amàco et du laboratoire CRAterre, l’institution parisienne étaye le raisonnement : différents tests réalisés par des scientifiques prouvent qu’il est par exemple possible de réaliser du béton de terre. Plus concrètement, l’exposition dévoile 8 000 briques fabriquées à partir des sous-sols de la région et transformées par la briqueterie d’Allonnes à 70 kilomètres de Paris. Si les qualités de cet éco-matériau sont bel et bien réelles, on peut cependant regretter que l’exposition se concentre sur cette seule et unique piste, se concluant avec quelques exemples très connus, à l’image de la maison en terre de Martin Rauch. Car pour valoriser ces débris, différentes issues sont en réalité possibles, peut-être actuellement plus réalisables que la construction de bâtiments. De l’enfouissement de décharges au comblement d’anciennes carrières, la terre peut en effet aider à panser les cicatrices du paysage… à condition que l’on envisage sa valorisation non plus à l’échelle régionale mais hexagonale. Encore faut-il, à l’image des Pays-Bas qui avaient ainsi rationnalisé la création de leurs polders, que la gouvernance s’en mêle et que le politique légifère. Reste que la manifestation soulève avec raison un vrai problème de timing : depuis mai 2016, les travaux de creusement du futur métro ont d’ores et déjà commencé.
Article publié dans Architectures à vivre 93 (janvier-février 2017)