Avant d'être céramiste, vous étiez ingénieure. Pourriez-vous revenir sur cette reconversion et la création de votre atelier ?
Dans mon ancien métier, l'expression créative était sacrément restreinte, ce qui me manquait. Mon atelier est né après une année passée à faire des recherches pour créer ma première collection, comprendre de quoi j'avais envie de parler et comment l'exprimer. Ce qui était très clair, c'est que je souhaitais partager une expérience, des sensations, mais sur de l'objet utilitaire, fonctionnel.
De l'art sur une assiette creuse, c'est peu commun !
Il y a deux objectifs là-dedans : d'abord, le fait de me dire que l'on va peut-être mettre une simple purée de patates dans mon travail, c'est une idée que j'aime bien, ça rabaisse un peu l'ego ! Et puis, à travers ces objets, j'ai envie de rappeler qu'il n'y a pas de grands et de petits moments. Il n'y a que l'attention qu'on leur porte. Une tasse de café, le matin, avec un rayon de soleil, ça fait aussi partie du bonheur. Je crois qu'il faut apprendre à considérer que tous les moments sont importants. Bien sûr, dresser une belle table à Noël c'est super, mais pourquoi est-ce que l'on ne se fait pas une chouette table aussi quand on est seul ? Si je me prépare une super salade, autant en profiter dans un plat qui claque et rendre honneur à cette salade ! Mon assiette justement, peut et doit m'aider à apprécier ce moment.
D'esthétique très contemporaine, vos créations pourraient rappeler une forme de design industriel. Qu'est-ce qui les distinguent de ce champ ?
C'est vrai que j'aime jouer avec les codes d'un design assez contemporain, mais en réalité, aucune de mes pièces n'est industrialisable. Quand je conçois une forme, il y a certains points de côte que je mesure et note rigoureusement et d'autres non, pour créer de la différence. Cette différence, c'est comme une petite piqûre de moustique pour se rappeler ce qu'est le « fait main ». Il y a un contact direct, bien que décalé dans le temps, entre ma main et celle de la personne qui utilise l'une de mes pièces. Et ça, ça me plaît je crois.
Qu'est-ce qui définit selon vous un intérieur dans lequel on se sent bien ?
Pour moi, cela passe par trois grands sujets. Le premier est lié à l'intellect : ce que l'on sait des objets qui nous entourent. Pour une table par exemple, savoir d'où vient le bois, où a poussé l'arbre, quelles entreprises l'ont fabriquée, où, dans quelles conditions travaillent les salariés, avec quelle rétribution. Savoir que l'on s'entoure d'objets qui ne mettent pas nos contemporains en situation d'esclavagisme moderne et qui ne mettent pas notre environnement dans une situation encore plus dégradée qu'elle ne l'est déjà. Je suis convaincue que notre premier vote, c'est notre porte-monnaie.
Deuxièmement, entretenir une relation avec la personne qui a fait l'objet, soit parce que je la connais directement, soit parce que je suis son travail. Ainsi, je me connecte à cette personne, via l'objet. Et enfin, il y a l'esthétique de l'objet et ce qu'elle m'évoque. Et là, tous les ressentis sont dans la nature !