Les glaces de l'Arctique sont en effet un troublant miroir de notre époque, de ses erreurs et de ses peurs, et c'est celui que nous tendent Yuri Kozyrev et Kadir van Lohuizen. En 2018, ces deux photographes de l'agence NOOR ont reçu le prix Carmignac du photojournalisme qui, chaque année, soutient la production d'un reportage photographique et journalistique d'investigation sur les violations des droits humains dans le monde et les enjeux environnementaux et géostratégiques qui y sont liés. Leur travail a été récompensé par un jury présidé par le climatologue Jean Jouzel, co-lauréat du prix Nobel de la Paix en 2007, et sous le haut patronage de la ministre Ségolène Royal, ambassadrice pour les pôles, séduit par cette double expédition polaire : à partir de la pointe du Spitzberg, à l'ouest pour Kadir, et de la ville russe de Mourmansk, à l'est pour Yuri, ils ont parcouru chacun de leur côté une moitié du cercle polaire, en tout 15 000 kilomètres, avec en ligne de mire le détroit de Béring. Une course contre la montre pour montrer les bouleversements des paysages et leurs conséquences sur le quotidien des habitants :
« Nous voulions montrer les effets du réchauffement climatique, ce qui impliquait de photographier pendant l'été arctique, qui est une saison très courte, précise Kadir van Lohuizen. Nous n'avions donc que deux mois. »
Sur leurs images, ce n'est plus le Grand Nord où aboient les chiens de Tikigaq, mais celui des motoneiges, qui ont remplacé les traîneaux traditionnels, celui des scientifiques inquiets qui auscultent la surface neigeuse ou encore celui d'un immense terminal gazier perdu sur une étendue gelée. Les militaires et les rangers de l'Arctique, unité Inuit spécialisée dans les techniques de survie, y côtoient les derniers chasseurs de Point Hope qui traquent les baleines boréales. De la Russie aux Canada, le reportage témoigne d'une cartographie et d'une population malmenée par la crise du climat, tout en haut du globe.
« L'Arctique est la nouvelle ligne de front de cette histoire, c'est la raison pour laquelle nous tenions tant à couvrir ce sujet » , explique le duo.
Dévoilées lors d'une exposition à la Cité des sciences et de l'industrie jusqu'au 9 décembre, leurs images d'un monde qui fond sont effrayantes. Quant à la dixième édition du prix Carmignac, elle braquera son regard sur l'Amazonie et sur les conséquences de la déforestation massive. Une autre ligne de front, tout aussi brûlante.
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