Né en 1945 à Fumel, une petite bourgade d’Aquitaine, Jean Nouvel se destine d’abord à une carrière de peintre, avant d’intégrer en 1964 la section architecture de l’École des beaux-arts de Bordeaux, puis celle de Paris l’année suivante. Formé par Claude Parent, l’un des architectes français les plus importants du XXe siècle, il ne tarde pas à fonder sa propre agence en 1980. Loin de chercher à se conformer au modernisme alors en vogue, il porte une vision de l’architecture aussi critique que novatrice. Son projet pour la clinique de Bézons en 1976 constitue un premier pas vers son émancipation. Habillé d’une peau en aluminium et couvert de hublots, l’édifice en béton évoque un navire bien différent de ceux dessinés par Le Corbusier ou Richard Meier quelques décennies auparavant. De projet en projet, l’architecte n’a de cesse de s’enfoncer un peu plus profondément en territoire inexploré.
En 1983, il s’attèle à faire cohabiter de manière audacieuse passé et présent en rénovant le théâtre de Belfort. Acceptant comme une donnée du projet les restaurations successives et le dessin originel du XIXe siècle, il taille grossièrement dans la vieille structure du bâtiment pour l’ouvrir sur la ville, jouant du contraste entre « l’or, la laque et le velours » et l’aspect brutaliste des murs créés. Ici comme à l’Opéra de Lyon quelques années plus tard, jamais l’architecte ne cherche à ce que les ajouts qu’il propose n’apparaissent comme la partie la plus esthétique du projet. Achevé en 1987, l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris constitue un véritable tournant dans la carrière de Jean Nouvel et le projette sur le devant de la scène architecturale. Avec ce musée, premier d’une longue liste, il prouve une fois encore son étonnante aptitude à tirer parti de n’importe quelle contrainte, jouant avec la lumière et les reflets du ciel parisien dans la façade en moucharabieh de l’IMA.
Loin pourtant de se cantonner au terrain d’expérimentation offert par Paris et la France, il multiplie les réalisations aux quatre coins du globe, de Rio à Tokyo. Ses projets à l’international le font bientôt entrer au panthéon des « stars architectes ». Sans jamais craindre de s’emparer de sujets trop complexes, il se lance le défi de signer deux musées rivaux, l’un au Qatar, musée national du pays, l’autre à Abu Dhabi, nouveau Louvre affilié à l’institution française éponyme. Ce dernier est protégé des rayons ardents du soleil du désert par un impressionnant dôme composé de pièces d’aluminium et d’acier. Jean Nouvel s’attèle ainsi à ériger là où le vent le porte, refusant la réitération d’une banalité sans fin… « Nous vivons dans un monde où le clonage et la répétition sont de plus en plus la règle. […] La planète est faite pour la diversification et la complexité1. »
1 Extrait de l’entretien de Jean Nouvel avec Philip Jodidio, Paris, 15 juin 2021.