Fondée en 1973, Architecturestudio a aujourd'hui une assise internationale. Depuis plusieurs années, l'agence a à cœur de partager un travail prospectif sur le mode d'habitat de demain. Depuis sa fondation, sa méthode intègre une réflexion globale, qui prend en compte les écosystèmes des projets, la recomposition de friches, le questionnement des communs, rassemblés dans un "tracé rouge" du projet. En prenant en compte l'économie bleue, cette réflexion aujourd'hui intègre la question du vivant, de la construction dans la sobriété, l'agence a fait évoluer plus largement ce prisme d'analyse vers un tracé qualifié de bleu. Dans un premier temps, Architecturestudio a partagé ce processus de réflexion et les actions et projet mis en œuvre dans un livre, "Tracé bleu", paru en mai 2023, et à la dernière Biennale internationale d'architecture de Venise, avec une exposition conçue pour être itinérante, et contributive. Le dialogue est instauré avec les visiteurs, autour de cette question : comment réfléchir ensemble, être acteur des transformations en cours, comment mener la transition écologique nécessaire ?
Après la Sérenissime, et avant Shanghai, elle est visible à Paris jusqu'au 10 mars au CentQuatre, un " lieu culturel qui expose des artistes mais s'intéresse aux enjeux de société" comme le souligne son directeur José Manuel Gonçalvès.
Pour Alain Bretagnolle, directeur d' Architecturestudio, il est "essentiel d'investir nos imaginaires pour se resituer face au défis à venir", et dans la lignée des réflexions de Bruno Latour, de se resituer "en lien avec la terre dans une forme de réciprocité intérieure". Il résume le parcours de l'exposition pensé différents chapitres : " ‘Ressourcer‘ interroge notre rapport aux gisements ‘ Regénérer‘ invite à la tempérance et aux besoins synchroniques avec le monde vivant, et 'Réagir' à participer à la construction de futurs communs." Le fil conducteur des réflexions est illustré par Serge Bloch, que ce soit par des schémas et dessins "faussement naïfs" sur les murs, ou dans des films animés didactiques.
Dans chacune des sections, des œuvres d'artistes viennent étayer le propos : on retiendra dès l'entrée du parcours, l'installation de Krijn de Koning qui accueille les visiteurs dans une association de modules en bois laqué, avec un jeu de fenêtre, qui varie à chaque étape de l'exposition itinérante. On retiendra également dans la section "Etat de siège" la vidéo de Joanie Lemercier, qui témoigne de la violence des impacts des extractions de gisements sur un écosystème, puis plus loin celle de Jonathas de Andrade, qui évoque de façon poétique et troublante la disparition des paysages.
L'agence partage bien évidemment sa méthodes à travers des exemples de projets et maquettes, n'hésitant pas aussi à présenter des propositions qui n'ont pas été retenues, mais qui illustrent bien leur démarche : utiliser l'existant, ne pas nécessairement construire, favoriser la création de nouvel espace public urbain, réparer quand cela est possible pour refavoriser l'imperméabilisation des sols...
Parmi les différentes maquettes exposées, on retiendra celle du Palais de justice de Saint-Laurent du Maroni, en cours de construction en Guyane, pour sa salle des pas perdus (pensée ouverte sur l'extérieur, avec une ventilation naturelle) et l'utilisation des matériaux locaux et recyclables (bois et briques de terre comprimée)...
Comme le souligne Romain Boursier, un des directeurs de l'agence, le but de l'exposition n'est pas de donner des solutions toutes faites, mais d'ouvrir des questions, "pour aborder collectivement le sujet complexe de l'évolution de notre vie". Dans ce processus, Architecturestudio s'intéresse notamment à la question du temps, via le prisme de la chronotopie, qui replace les usages au sein des processus, mais aussi au sein de temporalités différenciées, comme le cycle de l'eau, la régénération des sols, du vivant. Pour Alain Bretagnolle, cette nouvelle considération du vivant amène à repenser "l'aménagement du territoire" en "aménagement des milieux habités", dans une démarche de "prendre soin". Selon lui, nous avançons " vers la création d'une économie, non pas de la finance, mais une économie formelle de la subsistance, une économie sociale, culturelle, qui fonctionne dans la co-construction et le partage. (...) Le tracé bleu est ce processus ouvert (...), dans la présentation des travaux passés et les nouveaux projets (...) pour retrouver une capacité à agir dans ce monde complexe".