Vous dites que vous vous trouvez fréquemment en situation de re-design. Que faut-il comprendre ?
Il est à mon sens assez rare que l'on fasse des choses ex-nihilo. On prend quelque chose qui a été fait, on le transforme, un peu comme une évolution darwinienne.
Certaines réalisations marquent des ruptures, mais ce n'est pas si fréquent. D'autant qu'il me semble que l'époque n'est pas vraiment en recherche de nouvelles typologies. Il faut dire que le marché fonctionne différemment que dans les années 1970. L'économie est envisagée à très court terme. La chaise en plastique Universale de Joe Colombo éditée par Kartell, par exemple, est très particulière. Mais à l'époque, sa rentabilité était calculée sur 10 ou 15 ans. Aujourd'hui, si une pièce n'est pas rentable en trois ans, elle sort des catalogues. Cela implique de partir de typologies qui ont fait leurs preuves. Or, dès lors que ce fait est assumé, le travail de design devient vraiment intéressant.
Pouvez-vous développer ?
Tout ce qui est mis sur le marché s'inscrit dans un univers de formes déjà assimilées. Avec un petit décalage, mais elles sont déjà imprimées dans notre bibliothèque mentale collective. La conception du fauteuil Astair en est un bon exemple. Michel Roset souhaitait un siège qui s'inscrive clairement dans la lignée de la bergère : sa demande était référencée. Je pense, pour ne citer qu'eux, au Tre Pezzi dessiné par Franco Albini ou encore au fauteuil N° 670 de Charles et Ray Eames. Ces meubles qui font histoire, toujours édités, montrent combien ils répondent encore à un besoin, combien ils sont en phase avec la sensibilité d'aujourd'hui.
C'est quand même un meuble surprenant ce fauteuil Astair…
Il est très dessiné, mais pas forcément élégant. Il procède d'une forme d'abstraction, je crois. Les modèles qui m'ont servi de références sont des trucs qui en imposent. Il faut l'assumer. C'est fait pour être confortable, ça ne doit pas être étriqué. Quand j'ai montré le premier dessin à Michel il était clair que nous n'allions pas réduire les volumes sous prétexte que nous vivons dans de petits espaces et qu'il faudrait s'y adapter. J'aurais pu chercher à lier les différents éléments, mais c'est une typologie qui n'est pas faite comme ça.
Évidemment, il y a une recherche d'harmonie. Mais au final, il ne rentre pas tout à fait dans les canons classiques et bien dessinés d'aujourd'hui. C'est peut-être toute sa force, justement.
► Entretien paru dans le Designboard d'Architectures À Vivre 110 : En quête d'espace !