De l'Institut du monde arabe à la Cité internationale des arts, c'est en tout huit lieux parisiens qui nous invitent à l'égarement, en une fascinante errance dans le velours et la poussière de cinémas perdus, de mosquées abandonnées et de palais sombres, décrépis et secrets.
Jusqu'au 12 novembre, la deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain propose de découvrir cinquante artistes dont le travail explore l'Arabie, le Maghreb et le Proche-Orient. Un parcours dans un univers à la bascule, où désert et architecture oscillent entre l'hier et le demain : le palmier perd ses feuilles (en plastique), l'oasis est en carton-pâte.
Min Turab -littéralement « ce qui sort du sol » -, série du photographe Roger Grasas, documente la transformation du désert saoudien, en partie provoquée par l'explosion de l'industrie pétrolière : là où il n'y avait que du sable, la mondialisation entraîne l'émergence d'un nouveau paysage. Entre Disney World et les Mille et Une Nuits, c'est maintenant un étrange parc à thème, où les camions de poissons surgelés transitent au milieu des dunes et où le promeneur bute parfois sur une piscine vide ou une ligne à haute tension.
Désert toujours, mais autour de Médine, métropole sacrée d'Arabie saoudite où fut écrit le Coran. C'est dans la périphérie sableuse de la ville sainte que Moath Alofi a trouvé le sujet de sa série, The Last Tashahud. Dans un rayon de 1 620 kilomètres, le photographe a immortalisé plus de soixante-six mosquées : hier édifiées pour accueillir le pèlerin dans son long voyage jusqu'à la Mecque, elles sont aujourd'hui abandonnées, coquilles vides et désolées sur fond ocre et bleu, structures délaissées que l'artiste élève au rang d'objets d'art. Autant d'images d'un monde en mouvement, que la pellicule fige pour mieux en révéler les bouleversements.
Article paru dans Architectures À Vivre 98 : Maisons inventives (novembre-décembre 2017)