Concevoir pour d'anciens citadins qui s'installent définitivement au vert ; est-ce spécifique ?
Le mouvement auquel vous faites référence existe depuis longtemps, mais semble s'être récemment amplifié à la faveur du confinement. Il repose en partie sur la perspective qu'offre le télétravail de s'installer n'importe où, et donc pourquoi pas à la campagne, mais on ne déserte pas une ville impunément et ce, malgré l'air du temps ou la tendance de l'époque. Il y a bientôt neuf ans, j'ai définitivement quitté Paris, où j'ai vécu 34 ans, ponctués de séjours plus ou moins longs à Tokyo, pour m'installer sur la côte du Finistère nord. Déménager d'une ville comme Paris ne relève pas d'un coup de tête mais d'une maturation, avec à la clef un projet de vie, plus qu'un mode de vie. Ce qui me paraît donc spécifique dans le fait de concevoir pour de tels citadins, c'est de connaître la genèse de leur démarche, et le projet de vie qui en résulte.
Leur recherche de l'essentiel vous conduit-elle à revoir les fonctions de la maison ?
Cela dépend ce qu'on appelle la « recherche de l'essentiel », car la ville a pour vocation de cristalliser les représentations culturelles d'une civilisation, donc de ce qui est essentiel. Dans ma vie parisienne, l'essentiel était entre autres de passer du temps au musée d'Art moderne du Centre Pompidou. Ici, sur la côte du Finistère nord, c'est de travailler tout en contemplant la mer depuis chez moi, ou de jardiner, mais aussi de pouvoir retourner à Paris de temps en temps. En ce qui concerne les fonctions et les usages de la maison, tout projet étant par nature spécifique, cela m'oblige à les reconsidérer, et même à les réinventer à chaque fois. Dans ce cas, l'essentiel est le mode de vie et la sensibilité de chaque maître d'ouvrage d'où qu'il vienne, de la ville ou d'ailleurs.
Les matériaux naturels sont-ils incontournables lorsqu'il s'agit de construire au vert ?
Aucun matériau n'est à exclure. La seule limite est son impact sur la santé et l'environnement. Son choix doit résulter d'une réflexion en amont sur sa production, son exploitation, son usage et son recyclage. Bien que je trouve ce dernier aspect encore difficile à appliquer, il me paraît fondamental de l'intégrer dans nos processus de conception. Mais ce qui me semble primordial et qui dépasse le « retour au vert », c'est la mise à plat d'un standard de société, et donc d'urbanité, qui a atteint sa limite. « S'installer au vert » ne repose pas sur un modèle de développement urbain adapté, et encore moins sur un projet de société. Ce sont là deux incohérences dont je crains qu'elles riment avec mitage, développement des lotissements et inflation des prix du foncier ; autrement dit, générer l'inverse de ce qui motive ce mouvement et de ce qui serait soutenable, aussi bien du point de vue environnemental que social.
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