La place Stortorget et les ruelles pavées constellées de boutiques d’artisanat local donnent le sentiment que le temps s’est suspendu. D’ici, difficile de saisir l’ampleur de la commune et son million d’habitants. Si l’on compte le Grand Stockholm, le chiffre double: cela représente 1/5e de la population d’un pays dont les plus de 400000 km2 de superficie totale sont à 97 % inhabités. Mais cet effet de concentration humaine est atténué par les multiples aires aquatiques et les parcs qui donnent au centre une taille humaine. Appréciables quand on les parcourt à pied, les différents pôles de la ville sont aussi bien desservis par un réseau efficace de métros et de bateaux: cela permet de découvrir les facettes historiques, culturelles et le développement de nouveaux éco-quartiers qui font de cette capitale, en matière d’architecture, un exemple à suivre.
MODERNISME CRITIQUÉ
La capitale suédoise n’a pas subi de bombardement; elle a pourtant fait table rase de constructions anciennes dans les années 1960, suivant un plan d’urbanisme élaboré avant la Seconde Guerre mondiale. Autour de l’artère commerçante Drottinggatan qui forme l’axe nord-sud du quartier Noormalm, se dressent les cinq tours Hötorgsskraporna qui flirtent avec la flèche de l’église Sainte-Claire érigée au XVIe siècle. Contesté par ses détracteurs, mais défendu au titre d’une réflexion urbaine contemporaine exemplaire, cet urbanisme désormais protégé a donné vie à un programme exemplaire, la maison de la Culture Kulturhuset Stadteatern : espaces d’exposition, bibliothèques et théâtre sont rassemblés dans une architecture transparente de Peter Celsing. Durant cette période, une voie rapide doublée de réseau ferré a été tracée entre les îlots Gamla Stan et Riddarholmen. Le contraste est particulièrement fort avec les ouvrages plus anciens comme l’Hôtel de ville: emblématique du style romantique suédois (Ragnar Östberg architecte, 1923), il s’érige tel un phare qui permet de guetter depuis la berge de Kungsholmen les mutations de la cité. Il offre ainsi l’un des plus beaux points de vue sur les paysages stockholmois. Au sud, Slussen («écluse»), plateforme la plus fréquentée et nœud de communications routières, fluviales et ferroviaires entre Gamla Stan et l’île de Södermalm, est un chantier pharaonique. Le projet de Foster & Partners (associés à Berg Arkitektkontor et aux paysagistes White Arkitekter) devrait rendre l’espace aux piétons, grâce à des terrasses surplombant les eaux et adoucissant ainsi l’impact infrastructurel sur le paysage urbain. Il faudra cependant attendre 2025 pour voir cette nouvelle configuration…
VILLE-MUSÉE
Depuis 2013, au pied du Grand Hôtel et non loin de la National Art Gallery, le terminal Ferry Strömkajen (Marge arkitekter) présente une élégante porte maritime vers les îles et ses musées. Revêtu de feuilles en alliage de laiton joliment patiné par les embruns, cet assemblage de cônes cubiques ouvre vers le paysage de vastes baies vitrées, telles des chambres photographiques capturant le reflet des bâtiments alentour. C’est un bon point de départ pour se rendre sur l’île Skeppsholmen, ancien siège de la Marine royale. Le centre ArkDes y présente des expositions temporaires d’architecture et de design. Il côtoie le musée d’Art moderne et d’Arts asiatiques. En face, sur Djurgården, l’incroyable musée Vasa est dédié au navire éponyme qui a sombré dès son baptême en 1628! Réalisé en 1961, l’édifice fusionne de manière étonnante l’ouvrage naval qui a été conservé plus de trois siècles durant dans les eaux douces et la boue, et l’écrin bâti autour. Dans le parc réservé autrefois pour les chasses du Roi, Skansen est une collection d’architectures à ciel ouvert qui, entamée depuis 1891, expose art et traditions constructives suédoises.
HORIZONS ÉCOLOGIQUES
Parangon de la démocratie, défendant égalité et droits humains, la Suède a aussi la réputation d’être à la pointe de l’engagement environnemental. Malgré une importante consommation électrique par habitant, des efforts notables ont été faits ces dernières décennies pour réduire l’empreinte carbone. Au nord, le quartier Hagastaden et ses 6 000 logements en éléments modulaires en façade limitent l’impact environnemental en termes de déchets de chantier. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces constructions ne sont pas réalisées en bois, mais en béton, pour des raisons d’économie et de rentabilité. Toutefois, à Strandparken, des habitations intégralement construites en bois et réalisées par Windgårdhs architects démontrent le savoir-faire suédois dans l’usage de cette ressource renouvelable, et surtout locale.
À l’est du centre-ville, Norra Djurgårdsstaden, morceau de ville écologique comprenant quelque 10 000 logements, des bureaux, commerce et services, est en cours de construction dans l’ancien port industriel de la capitale. Le nouveau terminal ferry Värthammnen desservant Finlande et Pays baltes participe de cet aménagement. Réalisé par les architectes norvégiens CF Mo/ller, il offre un parc suspendu dégageant un panorama sur le paysage lacustre de Stockholm. Enfin, au sud-est, le quartier Hammarby Sjöstad et ses 200 hectares s’appuient sur le principe d’«éco-cycles» en liant l’offre énergétique – chauffage, climatisation, apport d’électricité –, avec le traitement des eaux usées et des déchets, ces derniers étant évacués par des canalisations sous vide vers des conteneurs centralisés. Créé dans le pays d’Ikea, il est devenu une référence internationale en matière de développement durable. Ces démarches et renouvellements urbains font de Stockholm une destination propice à la détente comme à la découverte de démarches respectueuses de l’Homme et de son environnement.
⇒ Article paru dans le Hors-série 38 : Week-ends d'architecture
⇒ Lire « L' école d'architecture KTH de Stockholm par les architectes Tham&Videgård »