Rédigé par Charlotte Pavard et Elisabeth Karolyi | Publié le 01/06/2018
Des imposantes demeures aristocratiques dressées en amphithéâtre face à la baie dominée par le Vésuve, jusqu’aux superbes palazzi décatis aux couleurs pastel, en passant par les innombrables églises et monuments, on imagine aisément le soin apporté par cette ville pour intégrer harmonieusement le patrimoine contemporain dans l’écrin de son sublime passé.
Or Naples est une ville de contrastes. Elle propose par exemple à ciel couvert quelques-unes des galeries d’art contemporain les plus significatives d’Europe. Designers et architectes se sont en effet penchés sur la réalisation des «Stations de l’art» que l’on décompte à ce jour au nombre de quinze, avec près de 200 installations agencées le long des lignes 1 et 6 du métro. Elles sont signées d’un collectif d’artistes venus du monde entier. Unanimement saluée par la presse internationale, la station Toledo de l’architecte catalan Oscar Tusquets Blanca hypnotise ainsi le voyageur de par ses mosaïques bleutées, symboles lyriques des profondeurs méditerranéennes. L’arrêt Università, signé du designer Karim Rashid, offre, quant à lui, l’assurance d’une expérience psychédélique et sensorielle. Les «Stations de l’art» lancent une impulsion artistique que l’on retrouve également à Ravello, à 6 kilomètres seulement de Naples, avec l’inauguration en 2010 de l’Auditorium d’Oscar Niemeyer. En 2016, l’inauguration du projet de Zaha Hadid de gare de trains à grande vitesse poursuit cet élan et inscrit résolument Naples dans le futur.
CARREFOUR MÉDITERRANÉEN
Imposante cité méditerranéenne, Naples fut pendant des siècles un carrefour maritime, culturel et politique majeur.
Les origines de la vieille ville remontent jusqu’à l’Antiquité. Elle est répartie de part et d’autre du decumanus maximus, voie greco-romaine orientée est-ouest et axe principal de l’ancienne Neapolis. On y trouve les plus beaux édifices historiques, comme l’église de San Pietro a Majella et le conservatoire de musique. La vieille ville est aujourd’hui matérialisée par la via dei Tribunali, d’où naissent une multitudes de ruelles pavées de lave noire, les vicoli. Tour à tour byzantine, angevine ou aragonaise, la cité devient la puissante capitale du royaume des Deux-Siciles au milieu du XVIIIIe siècle. Le tissu urbain s’est enrichi entre-temps du quartier Vomero, sur la colline, ainsi que des quartieri spagnoli, aménagés en damiers sur ses flancs pour accueillir les troupes espagnoles. Filant vers la mer et la Piazza del Plebiscito, l’artère commerçante de via Toledo relie ces quartiers à celui de Monumental.
En 1860, Naples subit de plein fouet les conséquences économiques de l’unité italienne mais ne se départit en rien de son charme. De l’incroyable modernité des escaliers symétriques en «ailes de faucon» dessinés par l’architecte scénographe Ferdinando Sanfelice aux villas de style victorien pensées par l’urbaniste visionnaire Lamont Young, Naples est le résultat flamboyant de 2600 ans d’histoire.
LE MÉTROPOLITAIN, NERF DE LA GUERRE DE LA POLITIQUE URBAINE
Pour Naples et son architecture, le XXe siècle a été déterminant. En 1884, une épidémie de choléra ravageuse amène à l’adoption de la politique hygiéniste du Risanamento. Ce plan d’assainissement se veut radical et donne lieu à la création d’espaces plus aérés comme le Corso Umberto, ou la célèbre galerie marchande Umberto I au gracieux toit de fer et de verre. À l’ouest, le long de l’envoûtante baie de Naples, les rivieras de Chiaia et Mergellina sont en très grande partie redessinées et deviendront les quartiers chics de la ville. Il en va de même pour le quartier de Vomero. Le plan de construction de l’actuel réseau métropolitain naît en 1906. Les mosaïques noires et blanches signées du Sud-Africain William Kentridge à l’entrée de la station Toledo sont une évocation de l’histoire de la ville. En 1995, dans un souci d’extension du réseau souterrain, la commune de Naples lance l’idée du «musée obligatoire» à dimension internationale, coordonné par le critique d’art Achille Bonito Oliva.
PATRIMOINES DE L’UNESCO
Marinara ou Margherita? Née in situ, la légendaire pizza napolitaine entre au patrimoine immatériel de l’Unesco en décembre 2017. Croquante sur les bords, tendre au milieu et simplissime car ne comptant parmi ses ingrédients que la succulente sauce marinara, de l’ail et de l’origan, la championne rivalise de qualité avec son éternelle rivale romaine à pâte fine. À Naples, on s’en régale, au détour d’un coin de rue, sur une table de trattoria familiale rapidement dressée d’un set de table en papier brun. À la tombée de la nuit, la population locale se retrouve sur le Lungomare, soit trois kilomètres de promenade maritime allant de Santa Lucia au fort de Castell’Ovo, jusqu’au pittoresque port de pêche de Mergellina. Via Partenope concentre les meilleurs restaurants sur le front de mer de la ville, à l’ombre des grands hôtels Vesuvio et du Royal Continental.
Vers le centre historique, lui aussi classé au patrimoine de l’Unesco, les cours d’immeubles surplombées de linge tendu accueillent les deux-roues postés partout, dans un joyeux chaos des plus typiques. Particulièrement affectée par le chômage avec un taux affolant de 56 % pour la jeune population active, Naples la frondeuse est l’incarnation de la débrouillardise. Passionnante, rebelle et anarchique, la Cité du Soleil n’en finira pas de bouillonner en 2018. Ce n’est pas un hasard si le célèbre galeriste londonien Thomas Dane a choisi la belle Villa Ruffo à Chiaia comme lieu d’exposition et résidence d’artistes. En Europe, et selon ses propres mots, « il n’y a pas d’autres villes comme Naples ».
⇒ Article paru dans le Hors-série 38 : Week-ends d'architecture
⇒ Lire l'article La Gare Napoli Afragola de Zaha Hadid