Et pourtant, si cette ville germanophone de plus 175 000 habitants, implantée tout au nord du pays du chocolat, à quelques kilomètres seulement de la France et de l’Allemagne, a été élue 10e au classement 2017 des métropoles où il fait bon vivre – selon l’étude de l’organisme américain Mercer – c’est peut-être qu’elle a d’autres atouts en réserve. Une supposition que la présence d’environ quarante musées répartis sur à peine 37 km2 ne fait que renforcer… D’ailleurs, qui aura décidé de monter dans un TGV Lyria pour se rendre en territoire helvète ne pourra que confirmer : Bâle est une adresse idéale pour les amateurs d’art, d’architecture… et de bonnes bières ! Renzo Piano, Zaha Hadid ou encore les stars locales Jacques Herzog et Pierre de Meuron ont ainsi signé dans les environs des projets iconiques – respectivement : la sublime et reposante Fondation Beyeler (1997), la Fire Station (1993) du Campus Vitra, l’intrigante extension du Musée des Cultures (2010). Autant de chefs-d’œuvre du Ier Art qui côtoient vieilles maisons et pubs, certaines de ces constructions remontant au XIVe siècle (très peu sont plus anciennes, la faute à un séisme ravageur), le tout dans un ensemble harmonieux et – osons le dire – aussi bien réglé qu’un coucou suisse…
PASSAGE OBLIGÉ
Si la ville qui a vu mourir Érasme et naître Roger Federer a pu attirer autant de starchitectes, c’est bien – autant voir la vérité en face – en partie grâce à son dynamisme économique. Parmi les réalisations les plus emblématiques, des musées bien sûr, mais aussi : la Banque des Règlements Internationaux, autrefois investie par la société de service financiers UBS et réalisée par Mario Botta en 1994 ; le palais d’exposition Messe Basel dessiné par Herzog & de Meuron (2013) ; ou encore les merveilles du Campus Vitra – site de production de meubles suisses –, où se côtoient des bâtiments de Frank Gehry, Tadao Ando, Zaha Hadid, SANAA ou encore Álvaro Siza. Rien que ça ! Des projets aux typologies singulières, qui ne manquent pas de rappeler combien la richesse matérielle contribue à son équivalent architectural et patrimonial… Cette opulence, la ville la doit, entre autres, à sa localisation stratégique : en 1225, c’est ici qu’est construit le premier pont fixe (le Mittlere Brücke, l’une des seules constructions ayant survécu au séisme de 1356 et donc visible encore aujourd’hui !) permettant de traverser le Rhin entre le lac de Constance et la mer du Nord. Et il restera le seul point de passage pendant presque 600 ans ! Confortablement assise dans le coude du fleuve, entre la Forêt Noire et le massif des Vosges, Bâle devient alors une destination obligée pour les marchands désireux de traverser la vallée rhénane… Un statut d’incontournable que la cité entretiendra tout au long de son histoire et qui ne sera pas sans conséquence sur son architecture. Déjà séduisante pour les penseurs protestants grâce à la fondation de son université en 1460, la ville accueille encore de nombreux huguenots au XVIIe siècle en recherche d’une terre d’asile pour échapper aux persécutions de la guerre de Trente Ans. Ceux-ci importent leur savoir faire du travail de la soie et notamment des colorants. Il n’en fallait pas beaucoup plus pour que Bâle se spécialise dans la chimie et devienne, plus de deux siècles plus tard, un haut lieu de l’industrie pharmaceutique.
MÉCÉNAT PLEIN BÂLE
Si connaître l’histoire de Bâle est aussi crucial pour comprendre comment elle est devenue un carrefour central de l’Europe, cela l’est tout autant, par ricochet, pour saisir les secrets de son architecture. Car si dès son arrivée, le voyageur ne peut qu’être interpellé par la tour Roche,
un géant triangulaire de 178 mètres de haut, il doit savoir que cette icône a été imaginée par le duo d’irréductibles bâlois Herzog & de Meuron pour accueillir les bureaux du groupe pharmaceutique Hoffman-La Roche. Arbre cachant la forêt, le bâtiment se trouve au cœur du site de Bâle/Kaiseraugst, lequel occupe a lui seul presque l’intégralité du quartier de Wettstein. Et croire que l’impact des grands groupes industriels sur l’aménagement du territoire se borne à leurs campus serait une erreur. Ainsi, les Bâlois doivent leur autre mascotte, le Musée Tinguely – conçu par l’architecte Mario Botta pour abriter les célèbres Méta Matics de l’artiste et époux de Niki de Saint Phalle, Jean Tinguely – au même groupe spécialisé en pharmacologie, Hoffman-La Roche. Car il s’agit en réalité d’un cadeau, offert au canton par la société à l’occasion de ses 100 ans, peu après le décès du sculpteur et plasticien suisse…
UNE PINTE, UN MASQUE ET UN MAILLOT DE BAINS
Quoiqu’en perpétuelle ébullition, la ville suisse reste douce au quotidien, à des années lumières de l’épuisant tumulte parisien – ou, plus proche, genevois. Loin de se prendre trop au sérieux, les Bâlois n’ont pas oublié ce que profiter de la vie veut dire. Destination shopping par excellence – le centre historique regorge d’enseignes à la mode –, la ville fourmille également d’endroits branchés pour prendre un verre. Parmi les plus notables, Werkraum Warteck, une ancienne brasserie aujourd’hui réhabilitée, laquelle accueille des bars bien sûr, mais aussi des restaurants, et même un atelier de réparation de vélos ou encore un escape game. En tête des réjouissances enfin, le Carnaval protestant, organisé en mars et inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO, ou encore le Rheinschwimmen, une course de natation programmée chaque année au mois d’août dans le Rhin. Des événements incontournables, comme autant de prétextes pour se jeter à l’eau et découvrir Bâle et ses secrets…
⇒ Lire l'article « La Fondation Beyeler à Bâle par Renzo Piano »
⇒ Article paru dans le Hors-série 38 Week-ends d'architecture