Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 08/12/2017
À la naissance de leur fille, Anne-Sophie et Jérôme décident de se lancer dans leur première acquisition immobilière. Ils visitent une vingtaine d'appartements dans l'est parisien dont cinq avec les architectes Alessandro Baiguera et Léa Casteigt, la sœur d'Anne-Sophie. Finalement leur choix se porte sur un bien de 72 mètres carrés, au neuvième étage d'une barre construite en 1958 au point le plus haut de la capitale, en retrait de la rue et entourée d'espaces verts. Traversant, il profite de part et d'autre d'un beau panorama. Dans son état d'origine, l'appartement nécessite une remise aux normes de l'électricité et du chauffage.
ANCIENNE COOPÉRATIVE D'HABITANTS
Avec ses pilotis, sa structure apparente en béton brut et son parement en béton lavé, l'immeuble offre un exemple typique de l'architecture des années 1950, influencée tout à la fois par Le Corbusier et Auguste Perret. Destinés à des ouvriers, les 158 logements ont été construits sous l'impulsion du père jésuite Étienne Thouvenin de Villaret, sur un terrain appartenant à l'association « Œuvre des otages », fondée en souvenir d'un massacre qui eut lieu à cet emplacement pendant la Commune de Paris. À l'image de la Maison radieuse de Le Corbusier à Rezé, cette opération s'appuyait sur une coopérative d'habitants, d'abord locataires puis propriétaires de leurs habitations. Ces derniers participèrent à la conception des plans avec l'architecte Claude Béraud et firent appel aux fameux Castors1 pour les finitions. Le rez-de-chaussée collectif comprenait, et comprend encore, un atelier et une salle polyvalente avec cuisine. Côté rue, Claude Béraud a complété l'ensemble avec une Maison des Jeunes et de la Culture et un foyer de jeunes travailleurs, encore en fonction aujourd'hui.
« L'esprit communautaire est toujours présent : beaucoup de fêtes sont organisées en bas, les voisins partagent des jouets pour enfants… », apprécie Jérôme.
ENFILADE LUMINEUSE
Après leur rencontre au Portugal pendant leur année Erasmus, Léa Casteigt et Alessandro Baiguera ont ouvert, en 2012, l'Atelier Boteko dans le 20e arrondissement de Paris. Le duo a déjà à son actif la rénovation d'une dizaine d'appartements ainsi que la réhabilitation d'une ancienne ferme en maison de vacances2.
« Ici, l'esprit de notre intervention a été de jouer sur le style des années 1950, non pas en le reproduisant mais en l'interprétant , expliquent-ils.
Le duo choisit de conserver la disposition générale des pièces et un maximum d'éléments du décor d'origine comme les beaux placards en bois ou le carrelage moucheté en opus incertum du sol de la cuisine. « Nous avons tourné les nouveaux espaces de vie autour des fenêtres » , synthétisent les concepteurs. Une fois abattues la cloison entre la cuisine et le séjour, ainsi que la demi-cloison divisant le salon en deux, ils obtiennent une enfilade de trois baies orientées à l'est. À une extrémité se trouve la cuisine ouverte et de l'autre, le coin salon, délimité symboliquement par la structure de l'immeuble, un poteau et une poutre de béton brut révélés comme une trace patrimoniale. À l'arrière, les chambres se répartissent de part et d'autre de la salle d'eau. Au sein de cet espace tout blanc, l'Atelier Boteko apporte de légères touches de jaune, dans l'entrée, à l'intérieur de niches et sur les boutons de placards.
AUTOUR DES LIVRES
Les architectes pensent un aménagement destiné à durer. Ils prévoient donc beaucoup de rangements et calibrent l'espace à partir du mobilier et des 6 mètres linéaires de livres du couple. Le point le plus délicat consiste à intégrer le bureau de Jérôme, qui travaille chez lui deux jours par semaine. Après l'avoir imaginé en différents endroits de l'appartement, Léa Casteigt et Alessandro Baiguera finissent par élaborer, dans l'alignement du dressing, un grand meuble qui ne touche pas le plafond mais « marque un vrai couloir d'entrée ». « À la fois fermé et ouvert », le bureau profite de la généreuse lumière naturelle du séjour. Et côté salle à manger, il prend l'allure d'une bibliothèque qui prolonge visuellement celle du salon . Ce mobilier intégré est réalisé en hêtre massif et en panneaux de fibres de bois (MDF) par une entreprise avec laquelle l'agence est habituée à travailler.
« Comme nous connaissions déjà la manière dont Anne-Sophie et Jérôme vivaient, nous avons pu prévoir ce dont ils avaient réellement besoin. C'est important dans un logement où tous les mètres carrés comptent ! », font remarquer les architectes de l'Atelier Boteko.
Article paru dans Architectures À Vivre 96 : Visitez 500 maisons d'architectes
1 La confédération des Castors a été fondée en 1948 par des personnes aux revenus modestes venues à l'autoconstruction par nécessité. Basé sur le principe de l'apport-travail, le travail collectif, réalisé pendant les heures de loisirs, venait répondre à l'incapacité des membres de financer l'achat ou la construction de leur logement.
2 Voir l'article « Deux en une » dans Architectures À Vivre n°95.
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes Atelier Boteko Léa Casteigt, Alessandro Baiguera, Anna Postiglione
♦ localisation Paris (20e )
♦ bâti d'origine 1958
♦ livraison décembre 2016
♦ études 2,5 mois
♦ travaux 4 mois
♦ surface 72 m2 Carrez
♦ coût des travaux 72 000 euros HT
♦ matériaux utilisés hêtre (étagères, bureau, plan de travail) / MDF (bibliothèques)
♦ fournitures cuisine Ikea / carrelage Winckelmans / interrupteurs Modelec