La thématique de la chambre occupe une place de choix dans votre travail. Pourquoi ce sujet ? Pourquoi cette pièce en particulier ?
Je pense que chacune des œuvres que vous évoquez est moins liée au sujet de la chambre ou de l'habitat qu'à celui du voyage. En 1794, Xavier de Maistre écrit un livre que j'ai adoré, lu et relu : Voyage autour de ma chambre. Il a imaginé ce récit alors qu'il était assigné à résidence pendant 42 jours. C'était une manière de dire : « je suis enfermé entre quatre murs, mais ces quatre murs, ils n'empêchent rien, ils ne m'empêchent pas de partir en exploration.» Personnellement, j'ai un peu le même rapport au voyage, à l'espace. Couette est un travail cartographique, une discipline qui m'intéresse car très vaste, à l'échelle du monde, tandis que la chambre, elle, est à l'échelle du corps - c'est peut-être même la pièce de la maison qui est le plus à cette échelle, à cause du lit, de la nudité, etc. Quoiqu'il en soit, j'aime faire se contrebalancer ces deux niveaux de lecture, ces deux points de vue.
Il est vrai que dans Chambres , les références à l'extérieur et au paysage sont omniprésentes…
Il faut savoir que les 56 chambres présentées dans le livre sont des pièces dans lesquelles j'ai vraiment vécu (ce ne sont pas des chambres d'hôtel ou des lieux de passage). À chaque fois, les noms des villes sont égrainés : le fait d'écrire « cette chambre est à Calais » dit finalement presque davantage sur la ville que sur la pièce elle-même, cela amène forcément à parler du dehors. Et puis quand je me trouve dans une chambre, j'aime bien regarder par la fenêtre… D'ailleurs, seuls les éléments de sortie, portes et fenêtres, apparaissent sur les plans, ce sont des trous, des passages vers l'extérieur. Au début, j'avais dessiné le mobilier, les revêtements, quelques détails… Finalement, j'ai tout enlevé pour ne garder que le lit qui symbolise le corps, et les ouvertures, l'extérieur.
À propos, pourquoi avoir choisi de raconter ces chambres par le biais des plans ?
Le plan, c'est un matériau qui est pour moi très évident : c'est du dessin, tout simplement. C'est la représentation technique, exacte d'un espace ; parallèlement, le plan laisse une place énorme à celui qui regarde. Il est à la fois très précis, et en même temps, il ne raconte pas tout : il ne dit pas les matières, les couleurs, les atmosphères. Il circonscrit les formes mais laisse la possibilité d'imaginer tout le reste.
Vous êtes sur le seuil de la chambre idéale : à quoi ressemble-t-elle ?
Elle est assez vide, plutôt grande, avec du parquet au sol, et surtout une belle grosse fenêtre avec une chouette vue. Elle est blanche, les draps sont blancs, la couette aussi. Toujours du blanc pour la couette, comme un petit nuage. C'est vrai que même mes enfants ont des couettes blanches. Ça fait partie de mes petites lubies…
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Chambres, Armelle Caron
Éditions Parenthèses, 2017,
126 pages,
12 x 17 cm,
16 euros
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