Phénomène en expansion considérable – on recensait en France, en 2017, environ 600 espaces de ce type, contre 60 en 20121 –, le co-working est loin d’être l’apanage des jeunes indépendants branchés. Ces « tiers-lieux du travail »2, sont aujourd’hui un point de convergence pour des utilisateurs aux profils très variés (salariés d’entreprises, indépendants, TPE, PME, etc.), et s’incarnent dans des typologies, géométries et géographies multiples, de la coloc’ de pied d’immeuble au campus urbain XXL et multi-services pour actifs. En cela, le paradigme plus général qu’ils contribuent à construire pour le fonctionnement et l’organisation du monde du travail à venir, dans et en dehors de l’entreprise, au-delà du folklore cool et des espaces/image, est un laboratoire de réflexion passionnant. Ici peut-être plus qu’ailleurs, s’invente en effet, dans l’hybridation des usages (travail, loisirs, restauration, etc.), des activités (des professions très diverses cohabitent générant des formes inédites de mutualisation des compétences et des savoirs) et la conception architecturale en mouvement qui en découle, une autre manière d’être ensemble, de travailler, de créer de la valeur, mais aussi d’habiter et de pratiquer la ville. Des modèles économiques alternatifs émergent, plus collaboratifs, territorialisés, humanisés, personnalisés, optimisés.
Et les hypothèses que mettent au jour ces lieux génèrent ainsi des questionnements et des solutions qui irriguent la réflexion des entreprises de manière générale. Désormais, exit donc le bureau fermé, le poste de travail systématiquement attribué et le vocabulaire traditionnel de l’open space standardisé. Vive la mutualisation, l’échange, le multifonction, la couleur et le mélange des genres du sol au plafond ! Ce, sans rien concéder au confort acoustique, lumineux, visuel et évidement physique. Le bien-être et la créativité de chaque individu sont ici remis au centre de l’organisation. Des formes alternatives de nomadisme professionnel émergent. Le mobilier et la décoration issus de l’univers domestique s’invitent. Les espaces de non-travail grignotent des mètres carrés supplémentaires, et avec eux, la notion de service prend de l’ampleur. La révolution à l’œuvre ici n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle en cours dans le monde l’hôtellerie…
Les défis à venir et les enjeux pour l’architecture, l’architecture d’intérieur et le design sont nombreux : de la gestion immobilière au maillage du territoire, en passant par la qualité environnementale et toutes les solutions produit et d’aménagement permettant de fluidifier et dynamiser ces espaces hybrides. D’autant que ceux-ci, selon leurs affectations, dépendent de réglementations multiples, parfois même contradictoires3. Concepteurs, fabricants et distributeurs sont donc sur le pont, afin d’apporter des réponses innovantes et adaptées. Et les propos de nos intervenants4, venus de tous les bords du projet, et de toutes les échelles, en ont été une parfaite illustration. Nous les remercions chaleureusement, ainsi que tous les participants à cette matinée.
1 Ces chiffres sont tirés d’une étude réalisée en 2017 par l’entreprise Bureaux à partager, auprès d’un échantillon de 200 lieux de co-working en France.
2 Formule extraite du rapport « Mission co-working: territoires, travail, numérique - Faire ensemble pour mieux vivre ensemble », réalisé par la Fondation Travailler autrement, avec l’appui du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), et remis à Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du Ministre la Cohésion des territoires le 19 septembre 2018.
3 En hébergeant des espaces de co-working, une résidence hôtelière, une crèche, un restaurant et une salle de sport gérée par un opérateur indépendant, le Campus Voltaire, ouvert par Deskopolitan est par exemple soumis, sur un même site, à des règlementations différentes en fonction des activités.
4 Ont participé à cette matinée : Alexis Rebiffé, co-fondateur des co-working Deskopolitan, Paul Roy, chef de projet chez Quadrilatère, agence spécialisée dans l’aménagement des espaces de travail, Françoise Michallon, architecte d’intérieur, fondatrice et gérante de l’espace Création 57 à Lyon, Isabelle de Ponfilly, Directrice Générale de Vitra France, Tristan Lohner designer et directeur adjoint de RBC Mobilier, Camille Cortet, designer industriel au studio Müller van Toll, qui assure la direction artistique de la conception des produits Vescom, revêtements muraux en vinyle, rideaux et tissus d’ameublement. La matinée s’est également déroulée en présence de Franck Argentin, PDG de RBC Mobilier, et Franck Lavigne, Directeur général de Vescom France.