Ancien quartier ouvrier, Lilyfield a toujours été une zone à usages mixtes, où les petites manufactures alternent avec les programmes résidentiels. Aujourd’hui pour la plupart abandonnés, les bâtiments industriels trouvent de nouveaux usages grâce à la politique municipale qui encourage la conservation de ce patrimoine historique. Karl et Amalia, tous les deux actifs dans le milieu culturel, sont charmés par ce coin populaire en cours de gentrification et souhaitent s’y installer avec leurs deux jeunes enfants. Malgré la terrible apparence de cette ancienne usine de bonbons en brique qui, dans les années 1980, avait été utilisée comme entrepôt de meubles et badigeonnée en bleu, ils en décèlent immédiatement le potentiel. Ils confient leurs envies à l’architecte Virginia Kerridge que des amis leur recommande : une maison familiale confortable qui restaure l’aspect initial du lieu sans pour autant donner l’impression à ses habitants qu’ils vivent dans une usine, et dotée d’espaces extérieurs. L’ensemble est confiné dans l’enveloppe d’origine qui occupe la totalité de la parcelle.
L'ÉTHIQUE DU RECYCLAGE
L’architecte commence par redonner à la façade son aspect original en nettoyant les briques. Aucune fenêtre n’est ajoutée ni supprimée, la grande ouverture centrale est conservée et marque l’accès au garage. Seule une petite entrée piétons est discrètement percée sur un côté, revêtue de plaques en acier Corten dont le caractère brut s’harmonise avec les murs existants. Répondant à la réglementation locale, le nouveau programme semble, depuis la rue, s’insérer exactement dans le volume original ; la création d’un troisième niveau, pour la chambre à coucher des parents, constitue une extension invisible aux yeux des passants.
À l’intérieur, le couple, qui souhaite retrouver l’esprit originel de l’usine, choisit de conserver la brique apparente, simplement nettoyée. L’épaisseur de la double façade (deux couches de briques ensérant un vide) et l’inertie du matériau assurent un confort thermique optimal. La structure originale en bois est elle aussi laissée visible, renforcée par un squelette métallique nécessaire à la stabilisation du bâtiment. Pour faire écho à l’esthétique brute de la manufacture aussi bien que pas souci environnemental, l’architecte propose aux propriétaires d’utiliser uniquement des matériaux recyclés, récupérés sur le site ou commercialisés. Karl et Amalia sont enthousiasmés par la démarche. Les nouveaux planchers, les soutiens structurels, les revêtements, portes, fenêtres et cloisons sont donc tous issus du réemploi. Ce choix permet aux ajouts contemporains de se détacher clairement de l’existant tout en donnant une grande homogénéité à l’ensemble. Le seul matériau neuf, l’acier Corten, enveloppant notamment la chambre des parents et la piscine, est artificiellement vieilli ! Des panneaux solaires thermiques installés en toiture fournissent, eux, l’eau chaude pour les différents besoins des habitants (chauffage hydronique, piscine et eau chaude sanitaire).
FAIRE ENTRER LA LUMIÈRE
« L’aspect le plus compliqué du projet était de faire entrer la lumière au cœur de cet édifice grand et compact, au nombre de fenêtres limité », explique Virginia Kerridge.
Satisfaisant par la même occasion le désir des habitants de jouir d’espaces extérieurs dans l’enceinte même de la bâtisse, l’architecte évide le bâtiment en trois endroits : deux patios végétalisés sont créés en rez-de-chaussée, l’un au nord-ouest pour éclairer les chambres à coucher des enfants et leur offrir un accès direct sur l’extérieur ; l’autre au sud-est illuminant les circulations intérieures et les salles de jeux du niveau inférieur et de l’étage d’une part, facilitant la ventilation naturelle d’autre part. Recouverts de gazon ou plantés de jeunes arbustes indigènes, ils apportent une note végétale bienvenue au cœur de la maison, tout en constituant une aire de jeux et de détente appréciée des parents et des enfants. Troisième entaille dans l’édifice, près de la moitié de la toiture originelle en sheds est ôtée, laissant place à une grande terrasse agrandissant la cuisine, la salle à manger et le salon, trois espaces ouverts les uns sur les autres et communiquant sur le deck par de larges portes coulissantes en verre. La lumière naturelle se propage ainsi sans limite au premier étage. « Cette maison a un rapport particulier et inattendu avec l’extérieur, commente l’architecte. Ses patios sont des points de repère, visibles de toutes les pièces, qui apportent un fort sentiment d’appartenance aux occupants. L’ensemble confiné dans l’enceinte de l’usine fonctionne comme un organisme, de façon fluide et autonome ». Qui pourrait en effet penser que derrière les murs de cette manufacture d’un autre siècle se déploient aujourd’hui les espaces généreux et lumineux d’un loft avec jardins ?
FICHE TECHNIQUE
♦ architecte Virginia Kerridge
♦ consultant ingénierie Simpson Design Associates
♦ localisation Lilyfield, Nouvelle-Galles du Sud (Australie)
♦ bâti d’origine années 1900
♦ année de réalisation 2013
♦ études 18 mois
♦ travaux 18 mois
♦ surfaces 470 m2 (parcelle), 690 m2 (loft), 88 m2 (patios)
♦ matériaux utilisés brique d’origine (structure) /,acier (structure de consolidation) / bois recyclés (plancher, revêtement intérieur, pin d’Oregon pour la structure, ironbark pour le deck) / acier corten (revêtement chambre des parents) / bois contreplaqué (parois chambres d’enfants)
♦ dispositifs énergétiques panneaux solaires thermiques Sunpower Solarswitch (chauffage hydronique par le sol hybride et piscine) / orientation des ouvertures pour maximiser l’éclairage et la ventilation naturels de l’édifice / double paroi avec vide
♦ fournitures luminaires cuisine Muuto / luminaire chambre d’enfants Edison / W.-C.Subway / panneaux solaires thermiques SunPower Solar Switch