Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 21/12/2018
En 2016, Diana et Luis achètent un appartement de 33 mètres carrés au cœur de Madrid, dans un immeuble datant de 1912. Ils ont comme but de le restaurer puis de le mettre en location. Luis décide de faire appel à ses amis de longue date, Eva Gil Lopesino, Uriel Fogué Herreros et Carlos Palacios Rodriguez, à qui il avait déjà confié en 2011 la transformation d'une maison en deux studios. Les trois architectes de l'agence elii - acronyme de « everyday life invents itself » (soit « la vie de tous les jours s'invente » ) - affichent clairement leur désir d'égayer le quotidien des habitants en imaginant des espaces domestiques pratiques et ludiques, capables de se transformer facilement pour multiplier les usages sur des surfaces souvent restreintes. « Lors de notre première visite, nous avons découvert un appartement en très mauvais état comportant un salon, une chambre et de minuscules pièces d'eau », racontent-ils. En revanche, la disposition à l'angle du bâtiment assure un généreux ensoleillement et des vues dégagées à la fois sur la rue et l'horizon lointain.
DEUX NIVEAUX
« Luis et Diana nous ont demandé de concevoir un espace lumineux et fonctionnel avec de nombreux rangements, poursuivent les architectes . Pour cela, nous avons mis en place une stratégie en deux temps. » Ils commencent par supprimer les cloisons puis par regrouper tous les nouveaux aménagements, intégrant l'entrée, le coin lit, la salle d'eau et la cuisine ouverte. Cette disposition permet de libérer l'espace principal qui ouvre sur des balcons par deux portes-fenêtres. Les zones les plus intimes se trouvent alors dissimulées au regard du visiteur qui entre dans le studio. Puis, seconde astuce, ils agencent l'appartement sur deux niveaux, installant la chambre et la salle d'eau 90 centimètres plus haut que l'entrée et le séjour. L'intégralité de leur intervention est construite en frêne et en panneaux stratifiés à base de résine phénolique avec une surface mélaminée vert d'eau. Utilisant une esthétique très inspirée des années 1980, les architectes d'elii font varier les finitions en fonction de la sensation recherchée. Ainsi la chambre est majoritairement en bois pour se démarquer du reste du studio. Le sol du séjour est, lui, en linoléum gris tandis que le carrelage blanc et brillant de la salle d'eau accuse l'impression de profondeur. Dans l'entrée, des miroirs posés de chaque côté et au plafond se reflètent à l'infini.
« Nous avons choisi des matériaux et des couleurs pratiques à entretenir, qui renvoient la lumière et rendent l'appartement confortable et chaleureux » , explique le trio.
LA POCHE MAGIQUE
Mais ce qui fait vraiment l'originalité des lieux, c'est le travail d'optimisation de chaque mètre cube. Eva Gil Lopesino, Uriel Fogué Herreros et Carlos Palacios Rodriguez profitent du décalage des niveaux pour intégrer un maximum de rangements sous la mezzanine du lit et aménager un profond bac de douche pouvant faire office de baignoire dans le sol de la salle d'eau. Ils multiplient les portes secrètes et les trappes pour déployer divers tiroirs, bacs ou étagères sur roulettes. Chaque élément de mobilier intégré possède une double fonction, se transformant tantôt en table tantôt en siège. Un escabeau escamotable compense la différence de niveau tout en mettant à disposition des invités des mini-gradins sur lesquels ils peuvent s'asseoir. Encadrées de mobilier fixe, les fenêtres latérales sont longées d'une banquette permettant de profiter de chaque vide disponible pour rêvasser ou bouquiner.
« Au moment de notre réflexion sur ce projet, nous avons pensé au dessin animé japonais Doraemon dont le héros est un chat venu du futur et pourvu d'une poche 4D - d'où vient le jeu vidéo intitulé Yojigen Pocket - dont il tire tout ce que l'on peut imaginer comme objets étranges. L'appartement est plein de surprises qui apparaissent et disparaissent facilement, exactement comme dans Doraemon », éclairent les architectes.
Pris au jeu de ce projet justement nommé par l'agence « Yojigen Poketto », le couple a désiré tester lui-même les lieux pendant quelques semaines avant l'arrivée des locataires. Philosophe de métier, Luis a ainsi pu expérimenter la stratégie de lutte contre la monotonie du quotidien joyeusement mise en œuvre par elii.
⇒ Article paru dans Architectures À Vivre 105 : spécial lofts et appartements
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FICHE TECHNIQUE
♦ architectes elii - Eva Gil Lopesino, Uriel Fogué Herreros et Carlos Palacios Rodriguez
www.elii.es
♦ localisation Madrid (Espagne)
♦ livraison 2017
♦ bâti d'origine 1912
♦ études 6 mois
♦ travaux 4 mois
♦ surface 33,60 m²
♦ coût des travaux 42 456 euros
♦ matériaux frêne et panneaux stratifiés (aménagements) / aluminium (menuiseries) / carrelage blanc (sol salle d'eau) / linoléum gris (sol séjour)
♦ fournitures aménagements dessinés sur mesure par les architectes