Rédigé par Raphaëlle Saint-Pierre | Publié le 12/10/2018
Tombés amoureux de la région montagneuse des Asturies il y a une vingtaine d'années, Javier et Sophie finissent par y acheter le terrain de leurs rêves en 2007. Dessus, les ruines d'une ferme ensevelies sous la végétation laissent deviner une maison et une grange. Pour les restaurer, ils font appel à l'agence Pyo fondée par des membres de leur famille : les architectes Ophélie Herranz Lespagnol et Paul Galindo Pastre. Ils désirent les transformer en un lieu de vacances capable d'héberger leurs quatre filles, les gendres et les petits-enfants. Aujourd'hui, le couple, qui atteint la cinquantaine, habite à Madrid, mais dans quelques années, la résidence secondaire deviendra probablement principale.
EMPREINTES
« Une fois l'étude technique réalisée, il s'est avéré que l'état des constructions était tellement mauvais qu'il n'y avait plus qu'à refaire une maison sur l'empreinte de l'ancienne » , raconte Ophélie Herranz Lespagnol. Javier et Sophie demandent alors à l'agence de respecter les caractéristiques traditionnelles de l'architecture des Asturies, comme les espaces extérieurs couverts, l'utilisation de matériaux locaux et l'emploi d'artisans de la région. À cela, s'ajoutent les exigences réglementaires une toiture à trois pans minimum et couverte de tuiles, des façades blanches ou vêtues de pierre ne dépassant pas 7 mètres de haut, le respect du périmètre des bâtiments existants et un nombre de niveaux se limitant à un rez-de-chaussée surmonté d'un étage et d'une mansarde. Les lieux étant situés dans une zone rurale protégée, les architectes entament de longues négociations avec la mairie pour parvenir à un accord sur l'esthétique et le système constructif.
RÉGIONALISME CRITIQUE
Les architectes de Pyo réinterprètent avec finesse certains aspects de l'architecture locale sans renier les normes et modes de vie actuels. Le socle en pierre calcaire de la maison principale renforce les murs de maçonnerie existants. Dessus, se dresse une nouvelle coquille en béton isolant qui porte le premier étage, les combles et la toiture. Cette enveloppe blanche, animée par l'impression des veines du bois de coffrage, est découpée de façon à recréer des éléments de la construction originelle, comme le porche du rez-de-chaussée ou le balcon d'angle à l'étage. Les portes fenêtres, qui prennent place dans de profonds cadres, peuvent être obturées par de larges volets de châtaignier coulissants rappelant ceux des portes d'étables.
À l'intérieur, des piliers métalliques remplacent les anciens murs porteurs, ouvrant sur une double hauteur la bibliothèque-cage d'escalier qui laisse entrer largement la lumière naturelle et permet des connections visuelles entre le haut et le bas.
Les architectes choisissent de laisser apparents les plafonds en bac acier « pour renforcer l'idée d'un logement contemporain dans le cadre de la rénovation d'une construction traditionnelle, mais aussi la dialectique entre l'enveloppe extérieure massive en pierre et béton et une construction métallique indépendante, plus légère et industrielle à l'intérieur. Nous avions la volonté d'afficher une vérité architecturale où chaque élément structurel et constructif se donne à voir en tant que tel. »
SYMBOLES
Située à flanc de montagne, sur une pente orientée au sud et dominant la vallée, la maison s'accroche à son terrain avec un dénivelé de 2 mètres entre le nord et le sud. En harmonie avec cette topographie, la disposition complexe du rez-de-chaussée en niveaux décalés évite la partition domestique traditionnelle et permet de « définir différents espaces sans les délimiter par des cloisons. »
« Nous avions la volonté d'afficher une vérité architecturale où chaque élément structurel et constructif se donne à voir en tant que tel. » Ophélie Herranz Lespagnol, et Paul Galindo Pastre, architectes
Il est organisé autour de quatre éléments en contreplaqué marine, taillés en diamant, qui donnent le sentiment de soutenir la maison. Ils symbolisent « les quatre muses en référence aux filles de nos clients. Ce sont des objets imaginaires, générateurs d'hypothèses et de rêves, qui s'ouvrent et se ferment, cachent des promesses et des histoires, explique Ophélie Herranz Lespagnol. Fermés, ils appartiennent à la communauté des objets. Ouverts, déployés, ils font disparaître l'espace alentour, tout est surprise, découverte. » À quelques mètres de l'habitation principale, la grange sert aujourd'hui d'annexe pour les amis et la famille. La quasi intégralité de ses murs, dont la structure en pierre et bois était très détériorée, a dû être remplacée. Le rez-de-chaussée, entièrement libre, n'a pas de destination précise tandis que l'étage, autrefois grenier à foin, accueille des chambres.
Dehors, le traditionnel tendejón, qui abrite un barbecue, sert à la fois de salle à manger d'été et de salle de jeux pour les enfants. « Les espaces extérieurs couverts sont très utiles dans les Asturies où il pleut souvent mais où la température est douce » , éclairent les architectes. S'inspirer des maisons de la région, c'est aussi prendre en compte les principes bioclimatiques ancestraux.
⇒ Article paru dans le Hors-série 40 : BEST OF Les plus belles maisons d'architectes
FICHE TECHNIQUE
♦ architectes PYO arquitectos (Ophélie Herranz Lespagnol, Paul Galindo Pastre) www.pyoarquitectos.com
♦ collaborateur Carlos Mínguez Carrasco (rédaction du dossier de demande de permis de construire)
♦ bureau d'études structure Juan Rey
♦ localisation Parres, Asturies (Espagne)
♦ livraison 2013
♦ études 2 ans
♦ travaux 4 ans
♦ surfaces maison 232 m2 SHON ; grange 93 m2 SHON
♦ coût des travaux 450 000 euros TTC
♦ matériaux béton (structure, façades) / pierre calcaire locale (structure, façades) / châtaignier local (fenêtres, volets, sols)
♦ fournitures chaudière à pellets (chauffage par le sol) / meubles de cuisine et bibliothèque réalisés sur mesure par les architectes