L'architecte Gonzalo Pardo souhaitait depuis longtemps vivre dans un « espace diffus » avec le moins de cloisons et de portes possible. Mais lorsqu'il acquiert cet appartement sous combles en 2016 dans le quartier de Conde Du-que, tout près de la Plaza de España, dans le centre de Madrid, le bien ne répond pas encore à ses critères. Ce sont les espaces extérieurs qui l'ont convaincu avec deux terrasses de 16 mètres carrés chacune côté sud ; la troisième, au nord, peu fonctionnelle avec ses 11 mètres de long, deviendra une vaste jardinière à l'aide de briques perforées. Mais c'est à l'intérieur qu'il y a le plus à faire : les espaces sont mal organisés, la pièce de vie de petite taille, et la salle de bains accessible depuis le salon via un couloir de 1,20 mètre de large. De plus, cette dernière se trouvant au-dessus de la cage d'ascenseur, sa dalle est rehaussée de 80 centimètres par rapport au reste du logement alors que l'entrée de l'appartement, elle, se situe à 1,10 mètre en dessous et nécessite un escalier d'accès depuis le palier. Au lieu de modifier la structure pour tout remettre à niveau - sans compter que le bâtiment d'origine construit en 1950 a subi une réhabilitation structurelle en 2006, toutes les poutres en bois ayant été remplacées par de l'acier -, l'architecte a préféré profiter de cette particularité de plancher pour conserver un logement à différents niveaux.
VISIBLE ET INVISIBLE
Pour répondre à son besoin de fluidité, Gonzalo Pardo va alors « réorganiser les espaces de la maison de manière topologique, c'est-à-dire établir une nouvelle relation entre les différentes actions menées dans la maison (cuisiner, manger, faire de l'exercice, interagir avec les autres, travailler ou dormir), mais également le nettoyage et les soins du corps, sans oublier le stockage » . C'est ainsi que le nouveau plan de l'appartement de 121 mètres carrés s'organise sous la forme d'un U sans cloison qui regroupe la cuisine, la salle à manger et le salon d'une part, la chambre et le bureau d'autre part, chacun de ces deux espaces étant prolongé par une terrasse de 16 mètres carrés. Le cœur du plan, plus intime, abrite une boîte en bois dédiée à la salle d'eau, au dressing et au rangement. « J'ai toujours pensé que le succès d'une maison reposait sur le système de stockage. Ici, les grands placards dissimulent un accès secret au dressing, menant lui-même à la salle de bains créant ainsi le décor d'un lieu de surprise et de mystère » explique Gonzalo Prado. Le loft et son absence de séparation laisse donc place en son centre à une sorte de matriochka - séries de poupées de tailles décroissantes placées les unes à l'intérieur des autres - qui dissimule au regard les pièces de nudité, avec la salle d'eau comme noyau.
UN ÉTÉ INTÉRIEUR
C'est avant tout pour permettre à « tout événement inattendu de se produire » que Gonzalo Pardo a opté pour des limites floues entre les différentes pièces de son logement. Une transparence qui met en valeur le concept d'hédonisme - doctrine philosophique selon laquelle la recherche du plaisir et l'évitement de la souffrance constituent le but de l'existence humaine - développé par l'architecte : et qui se traduit ici par la présence de l'eau, de lumière naturelle et de végétation, rappelant les maisons méditerranéennes où « il semble que ce soit toujours l'été à l'intérieur » . Les deux terrasses au sud ainsi que la jardinière longeant la totalité de la façade nord procurent une végétation luxuriante qui englobe le foyer. « Des dispositifs artificiels qui dissolvent les frontières entre public et privé, intérieur et extérieur, la maison et la ville » considère le concepteur. La façade sud s'ouvre sur ces extérieurs accessibles pendant que la façade nord se compose de vitrages en bandeau - permettant d'arroser la jardinière depuis l'intérieur - et que sa toiture est percée d'une série de Velux® ouvrants lui conférant les propriétés d'une serre. Profitant de la végétation pour s'isoler du regard des voisins, un jacuzzi ouvert sur le salon et mitoyen à la salle de bains intègre la tradition des thermes dans l'espace quotidien.
INSPIRATION MÉDITERRANÉENNE
Depuis qu'il est enfant, Gonzalo Prado passe ses étés en Méditerranée. Le choix des matériaux s'inspire de « paysages pleins de couleurs vives et gaies, optimistes et chaleureuses, mais aussi du bleu intense du ciel et de la mer ou des verts de palmiers et de glycines » . Le bois traverse le logement avec un plancher foncé en Jatoba provenant d'Amérique du Sud, et des panneaux en bouleau clair pour le meuble de rangement entourant le dressing et la salle de bains. L'architecte a également opté pour la terre cuite avec des carreaux de céramique blanche dans la salle de bains et le jacuzzi ainsi que des dalles catalanes couleur brique pour le sol des deux terrasses. Et enfin, du Corian® blanc pour le plan de travail de la cuisine et le comptoir de la salle de bains. Aussi, un tapis de sisal aux allures maritimes distingue l'espace de bureau de la chambre. Sur les murs et les plafonds, le blanc domine ; l'entrée peinte en bleu vif accentue encore le caractère méditerranéen de l'ensemble. Comme si la mer se trouvait à portée de main.
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FICHE TECHNIQUE
♦ architectes gon - Gonzalo Pardo (assisté de Alejandro Sánchez et Clara Dios)
www.gon-architects.com
♦ localisation Madrid (Espagne)
♦ livraison 2018
♦ bâti d'origine 1950
♦ études 4 mois
♦ travaux 12 mois
♦ surface 121 m2
♦ coût des travaux 60 000 euros
♦ matériaux aluminium (structure pergola) / céramique blanche (revêtements salle de bains et jacuzzi) / Corian® (plan de travail cuisine et comptoir salle de bains) / Jatoba (sols) / dalles catalanes (sols terrasses) / bouleau (aménagements)
♦ équipements chaises DSR de Charles et Ray Eames chez Vitra / suspension PH 5 de Poul Henningsen pour Louis Poulsen / lampe de table Akari 1AY d'Isamu Noguchi / lampe sur pied TMM chez Santa & Cole