Comment devient-on photographe d'architecture ?
Dans mon cas, c'est une histoire de parcours : au début, je ne savais pas que je deviendrai photographe. À l'origine, je suis architecte, j'ai exercé pendant près de 5 ans après avoir obtenu mon diplôme. Je travaillais pour une agence dans laquelle nous concevions des maisons particulières, de petites commandes publiques, des musées… Du jour au lendemain, j'ai tout quitté pour monter un projet artistique avec une amie. Parallèlement, une autre amie, elle aussi architecte, m'a proposé de shooter une réalisation de son agence car elle connaissait mon goût pour la photographie. C'est à ce moment-là que j'ai aussi commencé à faire du set design pour la publicité, activité que j'ai pratiquée pendant 3 ans avant d'y mettre un terme ; c'était trop contraint du point de vue créatif. Bref, le projet artistique pour lequel j'avais arrêté l'architecture a pris fin, mais j'ai continué la photographie et il s'est trouvé que mes reportages ont plu ! Voilà maintenant un an et demi que j'ai décidé de consacré plus de temps à cette activité.
Être architecte, c'est un plus pour photographier des projets ?
Ce qui est sûr, c'est que cela aide à lire le projet. Lorsqu'un architecte fait appel à moi pour photographier l'une de ses réalisations, son objectif est de la montrer, de partager son intention architecturale. Grâce à ma formation et ma pratique, j'arrive à identifier plus rapidement ce qui est essentiel dans le projet, ce que j'aurais aimé mettre en avant si je l'avais moi-même dessiné. Par exemple, il m'est arrivé de shooter l'appartement d'une photographe de mode, qui est excellente d'ailleurs, et qui avait elle-même pris des photos du lieu. Ses clichés étaient très beaux, mais il s'agissait de détails, de rais de lumière, etc. Ils ne montraient pas l'appartement. Encore que : je pense que tout cela est une affaire de parti pris. L'on pourrait très bien imaginer ne faire que des photos d'ambiance, de détails : une tasse à café ou un vase posé dans le salon. Ce serait simplement une manière différente de rendre compte du projet.
Le reportage parfait, à quoi ressemble-t-il ?
Pour moi, c'est d'abord un shooting réalisé pour un architecte qui me contacte parce qu'il aime mon travail, et avec qui nous entretenons un rapport de confiance. Il faut qu'il accepte de me laisser les mains libres, et qu'en même temps il se sente à l'aise pour faire des propositions. C'est pour cela que j'aime développer la relation avec eux et ne pas travailler en one shot . Au fur et à mesure des collaborations, on se comprend mieux et on voit ce que l'on peut améliorer ensemble, c'est très important pour moi. Sinon, d'un point de vue plus pratique, je préfère prendre des photos quand le temps est un peu nuageux, ce qui surprend souvent les architectes. D'une part parce que la lumière est plus belle, mais aussi parce que cela aide à avoir des photos moins contrastées. Si le soleil tape, l'œil va être attiré par des points de lumière, et la lecture du projet parasitée par des éléments non nécessaires. Enfin, je dirais que les meilleurs reportages sont ceux dont les clichés proposent à la fois des vues de l'espace et ce que j'appelle des photos d'ambiance, plus cadrées, resserrées, vivantes. Plus sensibles, elles racontent curieusement beaucoup du projet. En règle générale, je pense que plus l'on donne à voir, moins l'œil voit de choses. C'est pour cela que par exemple, je préfère montrer un appartement pièce par pièce, portion par portion.
Et que fait un photographe quand il n'est pas derrière son appareil ?
Lorsque j'ai arrêté mon activité de set designer , j'ai profité du temps libéré pour développer ma propre pratique artistique. Cela faisait longtemps que je bricolais des objets avec des matériaux de récupération - pourquoi utiliser des ressources nouvelles alors qu'il y a déjà tellement à faire avec ce qui est autour de nous ? -, que j'utilisais d'ailleurs parfois pendant mes shootings pour apporter un peu de vie aux reportages. Petit à petit, ces créations ont commencé à plaire. Une galerie, Amélie, Maison d'art, s'est intéressée à mon travail et moi, inspiré par mes voyages - notamment au Mexique, qui est un peu comme ma deuxième maison -, j'ai développé ma production. Aujourd'hui, je conçois principalement ce que j'appelle des « pièces de forme » : des sculptures réalisées à partir de volumes en polystyrène que j'ensable. Le mariage de ces matériaux que je collecte un peu partout crée un contraste : visuellement, l'objet semble lourd alors qu'il est en fait très léger. Et cette illusion m'intéresse beaucoup…