À Paris, Bérénice Curt a transformé une ancienne boutique pour en faire l'écrin de son agence. C'était important que celle-ci donne sur la rue, qu'elle soit au cœur de ce quartier qu'elle affectionne : « C'est un autre chez-moi, explique-t-elle . Je ne pourrais pas l'habiter autrement. » Ce petit espace vibre d'activité : les prototypes sont exposés, le plateau de la table de réunion reprend les noms des projets en cours. Bérénice Curt aime le dialogue et la diversité, et c'est ce qui l'a poussée à monter son agence après des années au sein des équipes de Dominique Perrault, Jean Nouvel, Franklin Azzi… « J'ai travaillé sur des bureaux, sur le siège de banques, sur le Village olympique. Mais je ne me voyais pas faire que du tertiaire. L'éclectisme me nourrit. Mon agence me permet de faire toutes les échelles de projets, depuis des études urbaines jusqu'à du mobilier. » En se centrant sur la maison individuelle, elle retrouve la maîtrise globale de projets. En ce début d'année, elle nous cite plusieurs surélévations, des appartements, l'accompagnement d'un promoteur sur un immeuble de 42 logements : « Chaque jour, je pense à des échelles différentes, un va-et-vient que je n'aurai pas ailleurs. » Elle apprécie la relation avec le particulier : « Je travaille avec des clients variés. » Elle aime mettre la main à la pâte sur les chantiers : « Je suis quelqu'un qui bricole énormément, j'ai un besoin de les faire aboutir et de les maîtriser. »
Pour elle, il faut sensibiliser les clients sur la méthodologie et le coût : « Ce n'est pas toujours un aspect facile pour l'architecte, il ne faut pas seulement les faire rêver. »
Qu'attend-on de nos espaces aujourd'hui ? Une évidence pour elle : qu'ils soient confortables. « Le confort, c'est de vivre dans un espace sain. La maison est comparable à un être qui a besoin de respirer. Les aérations, le renouvellement de l'air sont essentiels, la luminosité aussi. Le confort, c'est aussi pouvoir vivre pleinement les saisons en termes de température, de lumière, de vue sur la végétation. Plus exactement, on devrait vivre une maison différemment en fonction des saisons. On peut imaginer différentes enveloppes, avec des espaces qui ne sont chauffés qu'à une période, comme cela peut se faire au Japon. » C'est aussi une façon de raccrocher la vie à une temporalité.
Les questions d'énergie sont un enjeu : « On est aussi porté par les clients, qui veulent aller au plus vite. Ils ne se posent jamais la question de savoir comment on peut faire autrement. » Les rénovations sont déjà un terrain exploratoire, ainsi, regarder les strates d'une maison, ce qui est d'origine, ce qui a été ajouté, est également un champ d'investigation intéressant : « Ça interroge aussi la façon de construire. On n'a pas nécessairement besoin de maçonnerie lourde, sachant que structure légère ne veut pas dire éphémère. » Prendre le temps d'imaginer utiliser un matériau d'une autre manière : « Pourquoi ne pas faire du pisé ? Cela peut être intéressant en termes d'isolation et de ressources renouvelables. »
Elle attache beaucoup d'importance à la récupération : « Par exemple, je travaille sur une maison en Italie sur laquelle on récupère des portes, des revêtements, de la robinetterie. Ailleurs, j'ai des clients qui ont accepté de garder un parquet qui grince, de ne pas faire de faux plafond, ce qui a permis de proposer des cache-radiateurs en tasseaux de chutes de marbre. » Un dialogue nécessaire et une question de confiance qui font toute la différence.
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