LE FACTEUR COULEUR
Pour la marque CEDIT Ceramiche, Andrea Trimarchi et Simone Farresin du studio Formafantasma ont imaginé Cromatica. Une collection de revêtements en céramique certes, mais surtout le fruit d'une réflexion créative croisée sur les outils, les techniques, les usages et la dimension sensible. « Les revêtements intérieurs ont tendance à être uniformes et répétitifs, expliquent les designers. Ce travail est une recherche sur la couleur, mais surtout une proposition visant à transférer la multitude des tonalités propres à la production artisanale sur un matériau, en s'appuyant sur la puissance technologique disponible aujourd'hui, et notamment la capacité de l'industrie céramique à produire de très grands formats et réaliser des réglages couleurs d'une précision extrême. »
L'objectif ? Mettre à la disposition du marché des sections continues de revêtement, qui bien qu'elles soient techniquement parfaites, restent capables de générer des variations pour la création de surfaces inédites et vivantes.
Le duo s'attèle donc à la création d'un « atlas » de nuances, lui-même issu du catalogue chromatique imaginé par Ettore Sottsass à la fin des années 1990 pour la marque. Intégrer le passé pour se tourner vers l'avenir, en somme. Sept couleurs au total, en deux finitions (mate et brillante), allant de la nacre scintillante au bleu indigo profond.
Mais au-delà de la beauté des couleurs, toute l'astuce du projet, son sens aussi, sa capacité à lier une certaine tradition et le contexte contemporain, réside dans le travail sur le format. « Nous avons voulu exploiter tout le potentiel du grand format, poursuivent les designers. Les dalles céramiques peuvent aussi bien être utilisées dans leurs dimensions originales que dans des formats plus petits, obtenus très simplement par découpe. » De là, naissent les variations, un alphabet quasiment infini.
TAPISSERIE 3.0
Au départ, une demande faite un jour de janvier à Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard du studio GGSV : mettre en scène la gamme Stamskin One, un simili cuir composite ultra résistant et entièrement recyclable, très doux, au toucher proche du cuir de veau, développé par la société Serge Ferrari. Une carte blanche pour le reste. À l'arrivée : Palazzo Stamskin.
« Une installation comme un palace fantasmagorique, un espace extravagant de formes et de couleurs pour une promenade surprenante dans des matérialités attractives », expliquent les designers.
Entre temps : de la recherche, de l'exploration, de la couture, un parti fort et une solution technique inédite, pour offrir aux visiteurs un autre regard sur la matière en question. Car par le biais de la scénographie, les designers mêlent un récit, un conte haut en couleurs (celles de Stamskin) -l'histoire d'un palazzo milanais imaginaire - à un vrai parti architectural. Une proposition de mise en œuvre à peine grimée, inédite qui plus est, puisque le Stamskin est avant tout utilisé pour le tapissage du mobilier intérieur et extérieur mais aussi celui des yachts. Ici donc, des tentures en Stamskin Zen créent un espace dans l'espace, une expérience immersive.
Pour ce faire, les designers dessinent pièce par pièce les éléments du décor, repoussant les limites d'application du matériau, imprimé pour l'occasion sur une machine jet d'encre (bien que le fabriquant ne propose pas encore de telle solution), avec des encres UV appliquées sur une table à plat. Dans le même temps, les designers se livrent à une interprétation technologique et contemporaine de la tapisserie traditionnelle, un art de la tenture 3.0 en somme. De quoi ouvrir quelques perspectives aux architectes et architectes d'intérieur…
NOUVELLES FILIÈRES
Le FIM - pour Fiber Injection Molding -est un procédé de production industrielle permettant de mouler tous types de fibres, naturelles (coton, la laine, le chanvre) ou synthétiques (le PET issu du recyclage des bouteilles en plastique par exemple). Mis au point et breveté par une entreprise allemande, il permet surtout de mouler en une seule fois des pièces complexes en densité (celle-ci peut être variable), en formes, composites (mêlant fibres naturelles et thermoplastiques par exemple), et au poids optimisé, en fonction des applications et des besoins de mise en œuvre. Procédé durable - il utilise 100 % de la matière première nécessaire à la production -, il est actuellement surtout utilisé pour l'isolation thermique et acoustique. Sur la partie Satellite du salon du meuble de Milan, un collectif de jeunes designers allemands présentaient le projet Fiber Mates , une recherche menée en partenariat avec Fiber Engeneering GmbH (l'entreprise détentrice du brevet et de la machine), pour explorer d'autres perspectives et applications.
« À terme, cette méthode de production pourrait par exemple remplacer l'utilisation des mousses en polyuréthane expansé (PU), assez toxiques et dont la production est très consommatrice d'énergie, explique le designer Jonathan Radetz.
Et outre les avantages environnementaux, elle ne nécessite pas de pré-produits sous forme de nattes ou de blocs. Toutes les fibres restantes et les formes déjà pressées peuvent être à nouveau déchirées et réutilisées pour le processus. En nous appuyant sur la matière première et le savoir-faire de l'entreprise, nous avons ainsi mis au point trois prototypes de produits d'ameublement : un coussin et deux séparateurs d'espace. » La collection illustre ainsi le potentiel des fibres pressées en tant que ressource pour l'industrie du meuble, tout en reflétant l'intérêt des concepteurs pour la modularité et l'interprétation de la matière.
SURFACES SENSIBLES
Alissa van Asseldonk et Nienke Bongers se rencontrent à l'académie de design d'Eindhoven. Leur appétence respective pour les matériaux les pousse à se rassembler au sein du studio Alissa + Nienke, spécialisé dans la recherche et la conception de matériaux destinés à l'architecture d'intérieur. Au salon du meuble de Milan, elles présentaient, au milieu d'un cabinet de curiosité de surfaces et textures, une collection de revêtements muraux tout en légèreté, rassemblés sous le nom d'Interactive Interior collection. À l'origine de la démarche, une question simple :
« Et si un mur n'était pas simplement une surface solide, mais une interface sensible ? », dixit les créatrices.
En effet Mirabilia (merveille en latin), CC-Flo ou encore Dangling Miror sont des matières en mouvement, qui interagissent avec l'environnement (l'air, la lumière, etc.) pour générer des espaces vivants, sensuels. Conçus à base de matériaux textiles ou vinyles traités anti-feu, leurs reliefs sont issus de découpes laser simples évoquant des formes organiques naturelles, elles aussi élémentaires. Les incisions délicates réalisées dans la matière, combinées avec le travail de coloration, rendent les surfaces tactiles. Chaque modèle est ensuite décliné dans des gammes de motifs en 3D et de couleurs, puis produites à la demande, dans des formats semi-standardisés. Parfois aussi, de toutes petites pièces colorées, en PVC par exemple, viennent recouvrir des panneaux muraux, à la manière d'une multitude d'écailles créant des effets vaporeux, comme une seconde peau légèrement détachée du mur. Quand une brise de poésie souffle sur nos intérieurs…
⇒ Article paru dans Architectures À Vivre 103 spécial petites surfaces.
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